Les sols comme réserve du CO2
La biosphère et la lithosphère constituent la première couche terrestre sous nos pieds. Le sol, réserve naturelle du vivant et de la décomposition terrestre (biomasse) joue aussi son rôle dans la vie du CO2. En revanche, ce puits n’échappe pas à la règle et sature lui aussi d’un trop plein de carbone.
Le CO2 s’insère sous plusieurs formes dans le sol : en carbone fossile, la formation de roches, de minéraux, de fossiles, etc. Aussi sous forme de combustibles : le pétrole, le charbon, le gaz naturel par exemple. Le carbone est utilisé dans le sol, transformé lentement et dans la durée.
Le stock de CO2 est déjà élevé en sous-sol. Les sols des forêts et des prairies permanentes sont saturés. Selon l’ADEME, sous nos pieds, la concentration en carbone est 2 à 3 fois supérieure à celle de l’atmosphère. Ce CO2 est stocké dans les matières organiques, la biomasse des forêts, ou dans les champs cultivés par exemple. Les plantes meurent et se décomposent dans le sol en libérant leur CO2 emmagasiné. En plus de nourrir les insectes, animaux, micro-organismes et de fertiliser le lit qui les accueille, elles facilitent le cycle du carbone par le sol. Il faut donc avant tout préserver les stocks de ces réservoirs à GES en plus de désaturer l’atmosphère. La compensation est un enjeu majeur à ce niveau, tout comme pour l’océan ou les forêts, mais la question de la pollution est tout aussi présente : les produits se dispersent dans le sol et se désintègrent très difficilement. Compenser et résorber la pollution sont deux notions à intégrer pour améliorer l’action de ces puits géologiques.
Solution à moyen terme : le stockage géologique
Le captage et stockage du CO2 (CSC) géologique a un potentiel limité face à l’augmentation des émissions carbone industrielles. Les entreprises usent de cette technique pour limiter leur empreinte carbone en récupérant une partie des GES qui devaient partir par les cheminées en les déplaçant vers les sous-sols. Une solution à moyen terme qui désaturerait en partie l’atmosphère mais qui mettrait au tapis les stocks du sol. 19 opérations de captage et stockage industrielles de CO2 fonctionnent déjà dans le monde. Celles-ci sont considérées comme telle lorsqu’elles retiennent plus de 800 000 tonnes de CO2 par an au moins. Pour l’Académie des sciences, “les 19 opérations industrielles de captage et stockage de CO2 en fonctionnement dans le monde sont à l’origine d’environ 40 Mt de CO2 captées par an et plus de 230 Mt de CO2 déjà injectées dans le sous-sol en toute sécurité”.
Trois méthodes de CSC existent : la précombustion, la postcombustion et l’oxycombustion. Des technologies nouvelles et innovantes pour désaturer l’atmosphère en CO2 et enfouir ce gaz dans les sols (marins ou continentaux). Les méthodes de stockage géologique ont aussi un véritable intérêt pour les usines de purification du gaz naturel qui doivent éliminer le CO2 du gaz récupéré et ainsi éviter la formation de glace carbonique qui obstrue les camions citernes. Depuis 1996, le captage du carbone est effectué à Sleipner, en mer du Nord (Norvège) vis-à-vis de ce problème de glace. Selon l’AIE, 17 millions de tonnes de CO2 ont été stockées dans le fond marin en 20 ans grâce à cette technique.
En 2017, la plus grande installation de captation carbone a été inaugurée au Texas. L’opération Petra Nova 2 qui injecte le CO2 dans les puits de pétrole pour plus de rendement. La pression est alors plus forte et pourrait multiplier la production de pétrole par 50. Ainsi, le CO2 est à la fois un outil et source de rendement.
Selon le site NRG (concepteur de l’opération), la technique Petra Nova réduirait les émissions carbone de 90%.
L’enfouissement géologique du CO2 pose certaines contraintes pour l’avenir. Entre les fuites dans les nappes et les failles géologiques ou encore dans le sol, la remontée des gaz peut poser la question de l’utilité de telles actions d’enfouissement dans ce puits. Au-delà de la faune, les plantes peuvent aussi subir des effets dramatiques, jusqu’à l’absence d’un affleurement en surface (étude inspirée des zones volcaniques). Autre que le CO2, des émissions en surface peuvent venir d’autres GES. Déjà présents dans le sous-sol, ces gaz à effet de serre risques d’être poussés par le gaz carbonique lors de l’injection artificielle. Lors de tremblements de terre, l’IPGP a fait le lien entre CO2 et mouvement tectonique. En Californie, plusieurs faibles tremblements de terre ont libéré du CO2 qui a suffi à tuer une centaine d’hectares de forêt. L’injection de GES en souterrain peut être à l’origine d’activités sismiques en augmentant la pression des sols.
3 à 4 Milliards de tonnes de Carbone sont stockées dans les 30 premiers centimètres des sols français (ADEME)
Projet CASTOR : faire barrage au CO2
Le projet européen CASTOR, développé pour l’étude du captage et du stockage du CO2 en sous-sol à grande échelle, cherche à s’intégrer facilement dans les industries. CASTOR utilise le principe de la postcombustion, qui s’intègre aux infrastructures existantes en récupérant le CO2 des cheminées. Comme un barrage au CO2, le projet européen mené par l’IFP ne s’arrête pas là. Il intègre des solvants dans l’arrivée de gaz et récupère le CO2 dans des tuyaux qui vont alors l’enfouir dans le sol. La version pilote du projet fut mise en œuvre en 2006 au Danemark et permettait déjà de réduire considérablement les émissions carbone de la centrale d’Esbjerg. Cette expérience aura prouvé l’utilité du CASTOR pour capter 90% du CO2. Aujourd’hui, la Commission Européenne se tourne vers l’amélioration de l’utilisation des solvants pour une nouvelle version du projet et aussi, la réduction des coûts pour les entreprises intéressées.