Contribution importante pour limiter à 2°C le réchauffement climatique d’ici 2100, la compensation carbone volontaire est aujourd’hui un marché en pleine effervescence. Des entreprises aux particuliers en passant par les plus grands événements mondiaux, tous empruntent le chemin de la compensation avec pour monnaie courante les crédits carbone. Attention cependant à ne pas s’y perdre. Compenser sans réduire peut amener à une logique contre-productive dans la lutte contre le réchauffement climatique.
La compensation carbone volontaire
La compensation carbone volontaire ou compensation volontaire consiste depuis plus de quinze ans maintenant à financer, par l’achat de crédits carbone, un projet de compensation carbone ou projet carbone. Concrètement, ce sont des projets qui permettent d’éviter, de capter et de séquestrer des gaz à effet de serre (GES) présents dans notre atmosphère. Cette mise en œuvre permettra de neutraliser ces émissions par une action naturelle ou artificielle (stockage à long terme du CO2 hors de l’atmosphère : forêts, océans, sols…). Ainsi, chaque tonne de CO2 neutralisée correspond à un crédit carbone.
La compensation carbone se base sur le fait que les GES ont des effets globaux, et non pas locaux sur le réchauffement planétaire. Une tonne de CO2 émise en un endroit peut être “équilibrée” par la soustraction d’une tonne de CO2 en un autre lieu, du moins sur le papier. Cela explique pourquoi certaines initiatives peuvent s’effectuer de l’autre côté du monde ou tout près de chez soi…
Différentes étapes interviennent dans le processus de contribution à la neutralité carbone. Premièrement l’entreprise se doit de mesurer à travers un bilan carbone, le nombre de tonne d’eqCO2 émises dû à son activité. A la suite de quoi elle entame une démarche de réduction de ses émissions. Malgré ses efforts de réduction, il subsiste des émissions dites incompressibles. Pour cela, l’entreprise devra contribuer à la neutralité carbone a travers le financement de projets carbones certifiés par des labels standardisés lui délivrant ainsi des crédits carbone, preuve de contribution.
Concernant les porteurs de projet, ces derniers ont pour obligation de répondre à des règles strictes lors de l’élaboration de leur projets. Afin que les entrepreneurs puissent les financer, le projet se doit d’être :
– Mesurable : les émissions de GES évitées sont comptabilisées sur la base d’une méthodologie reconnue et approuvée par un tiers indépendant.
– Vérifiable : un auditeur indépendant est tenu de vérifier annuellement les économies de GES réalisées sur votre projet.
– Permanent : les émissions de GES sont neutralisées pendant au moins 7 ans.
– Additionnel : le projet permet d’éviter des émissions de GES par rapport à une situation de référence. Le porteur du projet prouve également que sans le revenu issu de la vente des crédits carbone, son projet n’aurait pas pu être mis en œuvre.1
Compensation ou contribution ?
D’un point de vue sémantique, il ne faut pas confondre compensation carbone volontaire ou réglementée avec la contribution à la neutralité carbone. La compensation carbone est un outil que possède les organisations, entreprises, États pour contribuer à la neutralité carbone. Lorsqu’on parle de compensation carbone, on évoque donc le principe d’acheter des tonnes de CO2 sous forme de quotas ou crédits carbone pour contrebalancer ses émissions de GES. La contribution à la neutralité carbone quant à elle, représente la démarche globale à savoir l’action d’évaluer, de réduire et de compenser ses émissions.
Aujourd’hui, le terme « compensation » est malheureusement associé à des polémiques autour d’entreprises pratiquant le greenwashing. Ces dérives d’écoblanchiment sur les marchés de la compensation volontaire poussent aujourd’hui les entreprises sincères dans leur démarche de contribution à bannir le mot « compensation » de leur communication. Toutefois les abus de certaines structures ne doivent pas faire oublier que le principe de compensation carbone volontaire reste un principe vertueux qui permet le financement de projets qui n’auraient jamais vu le jour autrement. Les entreprises doivent ainsi garder à l’esprit que la compensation carbone n’est pas un blanc-seing pour continuer à polluer et elle seule ne suffit pas pour contribuer à la neutralité carbone. Réduire ses émissions en amont reste une étape fondamentale.
« La compensation carbone est une action menée dans la continuité de celle de réduction. Elle ne se substitue donc pas aux efforts de réduction qui sont à la base des économies d’émission. Mais, comme aucune répartition claire entre les deux n’a été définie, les entreprises quel que soit leur secteur se sont emparées du concept de neutralité en misant essentiellement sur la compensation carbone. ». Tout Sauf Neutre / CCFD-Terre Solidaire
Les différents acteurs de la compensation volontaire
La filière de la compensation carbone met en scène plusieurs acteurs. Consultants, auditeurs, labels mais aussi développeurs et porteurs de projets, opérateurs, courtiers et clients finaux, tous, jouent un rôle primordial dans cette chaîne de contribution mondiale. Sans projet, pas d’acteur. La transparence du projet autorise chaque acheteur final, à demander en toute liberté l’origine et la traçabilité de sa contribution. C’est ainsi qu’on peut réellement mesurer l’impact d’une démarche et lui donner un sens.
Le client final peut être, un particulier, une entreprise, un événement, une collectivité ou une administration publique. Ils se rencontrent tous sur un marché unique, le marché de la compensation carbone volontaire ou marché carbone volontaire.
En 2020, 99,93% des crédits vendus sur le marché carbone volontaire français ont été évalués par des auditeurs indépendants et certifiés par les labels Gold Standard, Verified Carbon Standard (VERRA), Label bas-carbone ou Clean Development Mecanism. A ce jour, les entreprises sont les acteurs les plus engagés dans ce processus. Elles représentent à elles seules 91% des crédits carbone achetés, soit un peu plus de 10 millions de crédits.3
Les projets de compensation carbone
Chaque projet de compensation se verra attribuer une valeur pour les crédits carbone qu’il génère. Le prix d’un crédit carbone dépendra du type de projet, de sa taille, de sa localisation, de sa méthodologie d’implémentation, ainsi que de l’offre et la demande. Un projet de grande ampleur avec une forte demande vendra des crédits carbone moins cher vis à vis d’un petit projet peu demandé.
Avec la prédominance historique du mécanisme de compensation MDP (Mécanisme de Développement Propre), beaucoup de projets sont menés dans les pays en développement ou avec une économie émergente. Les projets de compensation dans ces pays en développement concernent principalement le domaine de l’énergie : remplacement de combustibles fossiles, amélioration de l’efficacité énergétique, développement d’énergies renouvelables, etc. En France, la majorité des projets présents sur le territoire concerne le reboisement ainsi que la conservation des forêts. Vient ensuite les éco-projets liés aux énergies renouvelables puis aux équipements domestiques et déchets.
Ces projets s’inscrivent dans une typologie de solutions visant à capter, séquestrer ou encore éviter les gaz à effet de serre.
Compensation carbone volontaire et politique RSE
Dans le cadre d’une politique de RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), les entreprises sont à même d’engager des démarches afin d’améliorer leurs impacts sociaux et environnementaux. En France, ces acteurs représentent le plus gros volume d’émissions compensées.4 Leur rôle dans la contribution à la neutralité carbone n’est donc plus à démontrer. Pour compenser, elles peuvent engager des actions d’ordre structurel et inhérentes à l’entreprise. On parlera alors de projets d’insetting. A contrario, si elles achètent des crédits carbones et ainsi compensent en dehors de leur domaine d’activité, on parlera d’offsetting. La plupart des actions menées impliquent aujourd’hui différentes parties prenantes. Compenser est donc une démarche collective et ses atouts sont multiples : contribuer au bien commun, améliorer l’image de marque, établir une relation de confiance avec ses collaborateurs …
C’est dans ce contexte de réveil des consciences, que l’ADEME présente cinq bonnes pratiques pour le développement d’une action utile, sincère et fiable :
Règle n°1 : Faire et rendre public un bilan des émissions GES, réductions et contributions à la neutralité
Règle n°2 : Choisir des projets labellisés
Règle n°3 : Privilégier des projets présentant des approches « développement durable »
Règle n°4 : Définir une juste combinaison de projets soutenus sur le sol national et de projets soutenus à l’international
Règle n°5 : Communiquer de manière responsable
Il faut savoir que pour toute organisation non soumise à ces obligations, le choix de la meilleure méthodologie de calcul pour évaluer les émissions appartient à la direction. Il peut toutefois être intéressant d’utiliser la méthodologie réglementaire, au cas où, dans un futur proche, l’entreprise serait soumise à ces réglementations.