Troisième génération à la tête de l’entreprise familiale Le Clos Mally, Frédéric Mally met tout en œuvre pour réduire l’empreinte carbone de sa société spécialisée dans le tri et la vente d’œufs. Extrêmement sensible à la préservation de la faune et la flore, il vient tout juste de se lancer dans un projet de compensation carbone très ambitieux pour contrebalancer une partie des émissions incompressibles de sa production. Mais pas question pour Frédéric Mally de se contenter de signer un chèque pour financer n’importe quel puits de carbone à l’autre bout de la planète. Cet engagement pour la protection du vivant lui tient tellement à cœur, qu’il a décidé d’acquérir 55 hectares de terrain sur lequel il souhaite recréer un véritable écosystème. Totale Nature, c’est le nom de ce projet aux multiples facettes mené par un chef d’entreprise passionné et engagé. Rencontre.
Depuis plus de 50 ans, Le Clos Mally est niché entre Clermont-Ferrand et Aulnat, au cœur du Puy-de-Dôme. Tous les jours, une centaine de milliers d’œufs sont vérifiés, triés puis conditionnés sur place pour se diriger ensuite vers les rayons des supermarchés de la région Auvergne Rhône-Alpes. Ces œufs proviennent tous d’élevages en plein air sélectionnés avec soin : « Les éleveurs avec qui nous travaillons sont très rigoureux sur le bien-être animal, et leurs élevages ne dépassent que très rarement les 6000 poules (5300 poules en moyenne). Un élevage de 30 000 poules ce n’est pas vraiment du plein air pour moi. », précise Frédéric Mally. Une importance toute particulière est aussi donnée à l’alimentation des poules : «Le sujet du soja est majeur pour moi. Je ne veux pas cautionner la déforestation de l’Amazonie en achetant du soja en provenance du Brésil. Je bataille pour avoir uniquement du soja cultivé en France et bien évidemment sans OGM ».
Mesurer, réduire, puis compenser
Ses valeurs éco-responsables ont également poussé Frédéric Mally à mesurer les émissions carbone de son entreprise sur toute la chaîne de valeur. « Ce bilan carbone a révélé que nous émettions 4700 tonnes éq CO2 sur l’année. Et sans surprise, c’est la production des œufs qui se trouve être la plus émettrice. » Même en étant vigilant sur de nombreux points – comme par exemple le choix d’un fournisseur d’énergie verte pour l’électricité du site – les actions de réduction ne lui permettent pas d’atteindre zéro émission nette de gaz à effet de serre. Après avoir mesuré et réduit autant que possible son empreinte, la compensation carbone volontaire s’est logiquement imposée à Frédéric Mally. « Nous employons seulement 16 salariés, rien ne nous obligeait légalement à réaliser un bilan carbone, et encore moins à faire de la compensation carbone, mais c’est un devoir moral pour moi de faire attention à laisser une planète vivable aux générations futures. »
Totale nature, un projet issu d’un engagement total
Il suffit de discuter quelques minutes avec Frédéric Mally pour comprendre à quel point son engagement écologique est sincère, et pourquoi il a choisi de compenser les émissions carbone de sa production d’une manière plutôt inattendue. « Plus jeune j’étais très proche de la nature, je pouvais passer des heures à me balader en forêt et à observer tout qui m’entourait. Puis à l’âge adulte, avec la vie active et les obligations quotidiennes, j’avoue que j’ai un peu laissé de côté cette sensibilité écologique. Un jour je suis tombé sur une émission à la radio qui parlait de l’effondrement de la biodiversité, et j’ai eu un déclic ! Je me suis dit qu’il était temps d’aligner mes convictions avec ma façon de gérer mon entreprise. » Cette prise de conscience s’est traduite par toutes les actions évoquées pour verdir le fonctionnement du Clos Mally, mais aussi par une recherche d’informations approfondie. « J’ai contacté l’ONG WWF qui m’a très bien accueilli et j’ai participé à des ateliers à Paris au sein du groupe Entreprendre pour la planète. Ces rencontres ont été très enrichissantes, j’ai découvert l’engagement de certaines entreprises que je ne soupçonnais pas, c’était très inspirant ».
C’est ainsi que petit à petit, à force d’échanges, de réflexions et d’interrogations, le projet Totale nature se dessine dans sa tête. Il repère Le Domaine de Malmouche, un terrain de 55 hectares situé sur les hauteurs du petit village de Menat, dans les collines des Combrailles, avec dans l’idée de recréer une forêt et faire revenir le vivant dans cette ancienne exploitation agricole. « Les démarches ont été un peu compliquées, on n’achète pas un terrain agricole de 55 hectares comme ça. Il faut notamment passer par la SAFER (ndlr : Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural) qui a validé mon projet, puis j’ai dû convaincre une banque de me suivre. Venir devant un banquier pour lui expliquer que vous souhaitez investir dans l’achat d’un terrain qui ne rapportera rien, ce n’est pas habituel ! ». Heureusement Frédéric Mally finit par trouver le financement, acquiert ce vaste terrain et crée la société « Totale nature » pour développer son projet.
Reforestation et biodiversité
Pour compenser une partie des émissions de son entreprise, la réhabilitation de ce terrain va passer par de la reforestation, mais pas n’importe comment. Il est fondamental de trouver les bonnes essences d’arbres adaptées au milieu, à la terre, au climat, qui pourront capter et stocker du CO2 durablement. « Grâce au conseil du CEN d’Auvergne(Conservatoire des Espaces Naturels) avec qui je suis déjà en contact, nous allons redonner vie à la forêt mais sans trop intervenir non plus. Cette forêt va renaître sur le principe de la libre évolution. La nature sait très bien ce qu’elle doit faire pour se déployer. Par exemple les zones de broussailles qu’on a tendance à vouloir nettoyer, il faut au contraire les laisser vivre car elles permettent de faire repousser des arbres dans une prairie. On sait aussi que ce sont les anciennes forêts qui captent le plus de CO2, le but ne sera donc pas de replanter à tout prix, mais surtout de préserver les arbres déjà présents. »
De même, Frédéric Mally compte conserver des prairies et les encercler de haies, ce qui aura le double avantage de capter du CO2 et d’offrir un sanctuaire naturel aux animaux qui apprécient ce milieu. L’achat de cette terre a finalement plusieurs objectifs liés : en réhabilitant cet espace naturel, qui sera désormais protégé de l’activité humaine, il deviendra un puits de carbone mais aussi une réserve pour la biodiversité. Des partenariats ont d’ailleurs été initiés en ce sens pour accueillir des mammifères sauvages avec l’association Panses-Bêtes, et des espèces d’oiseaux – via la LPO – qui pourront s’installer sur ce terrain en toute sécurité.
Sensibilisation et partage
Ce retour à la nature, le directeur du Clos Mally souhaite aussi le partager autour de lui. « La sensibilisation est essentielle pour que les gens comprennent mieux l’intérêt de sauvegarder nos forêts et apprennent à les respecter. » Les bâtiments de l’ancienne ferme seront ainsi rénovés pour en faire des éco-gîtes et une salle d’exposition dédiée au développement du projet Totale nature.
«Je souhaite aussi mettre en place des parcours découvertes. Avec 55 hectares, on peut faire jusqu’à 2h30 de randonnée tout en apprenant des choses sur la faune et la flore. » Toujours dans cet esprit d’échange et de partage, Frédéric Mally a également pensé à distribuer les semences des espèces végétales présentes sur ses terres pour aider d’autres parcelles dans la même localité à se revégétaliser.
Une maîtrise totale en local
Même si à l’heure actuelle, aux prémices du lancement de son projet, Frédéric Mally ne peut pas réellement quantifier le nombre de tonnes de CO2, que Totale nature lui permettra de compenser, il assume totalement ce choix : « Je préfère être dans une relative incertitude aujourd’hui, mais pouvoir maîtriser complètement le projet que je finance demain et après-demain. Pour moi, il y a du sens à faire de la compensation carbone à quelques kilomètres de mon entreprise, je peux suivre les évolutions de bout en bout et m’assurer que ce puits de carbone perdure ».
Totale nature est une initiative inspirante pour tout chef d’entreprise ou particulier qui souhaite s’investir sur le long terme dans un projet de compensation carbone durable et locale. Bien entendu l’achat de crédits carbone soutenant des porteurs d’éco-projets est tout aussi louable, à condition que cette démarche soit le fruit d’une réelle volonté d’œuvrer pour le bien commun.