Lorsqu’une entreprise souhaite compenser, elle a le choix : Offsetting ou Insetting ? Bien que ces deux termes évoquent le fait de compenser des émissions de gaz à effet de serre, ils n’ont pourtant pas le même impact environnemental, économique et social. L’offsetting fait référence à la compensation carbone volontaire dite « classique ». Le terme insetting lui, fait référence à la compensation carbone volontaire intégrée, à savoir la compensation carbone qui s’intègre dans la chaîne de valeur de l’entreprise. Mais alors, Offsetting ou Insetting ?
Offsetting ou Insetting ?
Ces termes font tous deux référence au processus de compensation carbone volontaire. Pourtant, leur fonctionnement est fondamentalement opposé. D’un côté, les entreprises ont le choix de compenser leurs émissions de façon « classique » à savoir financer un projet carbone où les acteurs et les ressources engagés n’ont pas de rapport direct et même indirect avec l’activité de l’entreprise. Le terme « offsetting » distinguera alors les actions réalisées dans ce sens. De l’autre côté, les entreprises peuvent contribuer à la neutralité carbone en finançant des initiatives de compensation carbone intégrée (insetting) c’est-à-dire investir dans des projets de contribution à la neutralité carbone directement dans la chaîne de valeur de l’entreprise. Pour cela, l’insetting fait appel aux différents acteurs présents dans sa sphère d’influence. Parmi eux figurent les employés, les clients, les fournisseurs, les sous-traitants, les investisseurs, les prestataires, les ONG… tout ce qui constitue les parties prenantes d’une entreprise.
L’insetting, au-delà de la compensation carbone
Contrairement à l’offsetting, la compensation carbone intégrée est une double démarche. C’est-à-dire qu’elle permet à l’entreprise de réduire puis de compenser ses émissions. Compenser à travers un projet d’insetting revient à prendre en compte l’ensemble des gaz à effet de serre (GES) produits dans le périmètre direct de la structure (scope 1), l’ensemble des GES qui proviennent de l’activité indirecte de la structure liés à l’énergie (scope 2), ainsi que l’ensemble de toutes les émissions indirectes induites en amont et en aval. De ce fait, il paraît important de bien évaluer l’empreinte carbone de la chaîne de valeur à travers le Bilan Carbone adéquat.
L’idée de l’insetting est d’intégrer le modèle écologique au modèle économique de l’entreprise. De par le fait que cette démarche soit un vecteur d’amélioration de l’activité économique, cette pratique a tendance à engager plus d’investisseurs que l’offsetting. Non seulement ce procédé de contribution à la neutralité carbone améliore l’image de marque mais il génère également des bénéfices directs et additionnels pour l’entreprise. Au-delà de l’aspect économique, l’insetting est une action idéologique à portée « transformative ». En plus de parfaire la chaîne d’approvisionnement (supply chain), elle transforme les valeurs de l’entreprise adhérente. Les enjeux de cette démarche sont d’ordre environnemental (maîtrise de l’empreinte carbone et des ressources exploitées), logistique (sécurise l’approvisionnement) et humain (fidélisation et mobilisation des parties prenantes).
Les acteurs de cette compensation carbone intégrée
En 2013, une plateforme multi-parties prenantes, International Platform for Insetting (IPI) fondée par PUR Project et Adaptogether a vu le jour. À but non lucratif, elle a pour objectif de rassembler toutes les organisations engagées sur la voie de la compensation carbone intégrée. Cette plateforme regroupe des entreprises comme L’Oréal, Chanel, Guerlain, H&M Group, AccorHotels, Nespresso… mais également des ONG (WWF France, Business For Nature, Textile Exchange…), des standards et organismes de certification (Plan Vivo, Ecocert, IPS…) ainsi que des développeurs de projets (ClimatePartner, South Pole, PUR Projet…).2
Le beurre de karité, l’Or idéal. Un exemple de projet d’insetting
Il existe de nombreux projets de compensation carbone intégrée. Généralement ces projets rentrent dans le domaine de l’agroforesterie et de l’agriculture régénérative dans des supply chain agricoles de pays tropicaux. A l’instar de l’offsetting, certaines initiatives peuvent également participer à l’amélioration d’équipements domestiques. C’est le cas du programme d’approvisionnement durable du beurre de karité de L’Oréal. Grâce au développeur de projet Olvéa et l’entreprise sociale burkinabè Nafa Naana, L’Oréal a pu fournir en 2016, 1500 poêles améliorées permettant ainsi à près de 5000 femmes de faire bouillir les noix de karité récoltées en réduisant la consommation de bois. Mais le projet ne s’arrête pas là, il va plus loin. Il offre un revenu juste et direct, sans intermédiaire, à ces cueilleurs de karité. Il crée de la valeur par la formation aux bonnes pratiques de collecte et de transformation de cette matière première. Enfin, il protège l’environnement par la préservation des arbres à beurre. Trois années plus tard, le projet a évité l’émission de plus de 10 500 tonnes d’équivalent CO2 évitant par la même occasion plus de 40 000 heures de travail domestique non rémunéré (préparation des repas, collecte du bois…).3
En allant plus loin, on peut imaginer d’autres types de projets d’insetting qui contribuent aux différents Objectifs de Développement Durable que s’est fixé l’ONU en 2015. L’essentiel est de garder l’effet positif que ces initiatives apportent sur l’environnement dans lequel s’est insérée l’entreprise.
Alors ? Offsetting ou Insetting ?
Comme évoqué lors de la Conférence Neutrality, le 23 juin 2021, l’insetting est une pratique écoresponsable récente : ses projets ne représentent qu’une part infime du nombre d’émissions de GES compensées. Cette démarche est devenue un nouveau moyen de contribuer à la neutralité carbone tout en investissant dans un modèle économique durable. Ainsi, de nombreux projets d’insetting au sein d’entreprises telles que les TPE et PME pourraient voir le jour.
Souvent décrié, remis en question, voire qualifié de système contre-productif au service de l’inaction climatique, le marché mondial de la compensation carbone volontaire (offsetting) représente pourtant chaque année selon Gold Standard des centaines de millions de tonnes de GES évitées ou captées puis séquestrées. C’est également un marché sur lequel circule des milliards d’euros et des milliers de projets de compensation volontaire. Ces deux processus de compensation carbone volontaire, bien que dissociables de par leur mode de fonctionnement, représentent cependant des outils mis à disposition des entreprises pour agir contre le réchauffement climatique. Il serait donc prématuré voire malvenu d’en stigmatiser un au détriment de l’autre. Ces mécanismes sont en effet essentiels pour permettre aux acteurs non-étatiques comme les entreprises de contribuer à la neutralité carbone.
Sources :
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