Le Grand défi écologique a pris place au Palais des Congrès d’Angers du 27 mars au 1er avril 2022. À travers des ateliers, des visites et des conférences, l’événement a permis de présenter plus en détails au grand public et au secteur professionnel les quatre chemins qui pourraient mener la France à la neutralité carbone d’ici à 2050. Ces trajectoires entraînent toutes, à des degrés différents, des transformations du secteur privé.
Le Grand Défi Écologique est un événement inédit organisé à l’occasion du trentième anniversaire de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). De nombreux acteurs se sont ainsi réunis fin mars à Angers pour aborder les questions relatives aux quatre scénarios récemment proposés par l’ADEME. Ces plans consistent à imaginer des solutions diverses au problème du réchauffement climatique, et permettre à la France d’atteindre le but qu’elle s’est fixée, à savoir être neutre en carbone à l’horizon 2050. L’événement a su attirer un nombre important de participants. Plus de 1500 inscriptions ont été recensées, avec un public hétérogène composé d’acteurs privés, de collectivités territoriales, et de citoyens engagés. Ces derniers ont pu participer à des ateliers centrés sur les enjeux de l’énergie, de l’alimentation, de l’industrie ou encore de l’économie. Des visites de sites industriels représentatifs de la transition écologique leur ont également été proposées.
À travers ces activités, l’ADEME a donc permis d’esquisser les quatre visions de la neutralité carbone portées par le projet « Transition(s) 2050 : Choisir maintenant, Agir pour le Climat ». Arnaud Leroy, président et directeur général de l’ADEME, a rappelé au micro d’Acteurs Publiques TV que les propositions mises en avant par l’Agence de la transition écologique impliqueraient l’engagement de tous les types d’acteurs, aussi bien les chercheurs que les décisionnaires publics et privés. Il a également précisé que les scénarios imaginés pour répondre à l’urgence climatique étaient pensés d’un point de vue collectif. « C’est un contrat social, un contrat écologique […] Tout le monde a son rôle à jouer : les porteurs de solutions, les industriels, le monde économique, le monde politique quel que soit le niveau ». Lors de la plénière d’ouverture du Grand Défi Écologique, la faisabilité des mesures prescrites ainsi que l’implication de la société civile ont été débattues. « Aussi bien les politiques que les entreprises s’adaptent à ce qu’ils pensent percevoir de leur électorat et de leurs consommateurs. » a ainsi martelé Magali Payen, fondatrice du mouvement de sensibilisation environnementale On est prêt.
Le Grand Défi Écologique s’est donc constitué pendant une semaine comme une plateforme permettant de mettre en avant le travail réalisé par les équipes de l’ADEME. Leur objectif, à travers les trajectoires proposées, a été de mener à terme plusieurs projets de société cohérents, plus respectueux du climat et de l’environnement. Des projets qui font intervenir, à des degrés variables, une transformation concrète du secteur privé. L’occasion parfaite donc de revenir sur les principes qui sous-tendent ces scénarios et mettre en avant les éléments qui, dans chaque trajectoire, impliquent directement les entreprises.
4 scénarios, 4 implications du secteur privé
L’entreprise prospective de l’ADEME consistant à imaginer la société de demain s’appuie sur une ambition bien réelle. Le gouvernement français a en effet exprimé sa volonté d’atteindre la neutralité carbone en 2050, et ainsi de participer au respect de l’objectif international des +2 °C en fin de siècle. Pour se faire, les citoyens français qui émettent actuellement neuf tonnes d’éqCO2 devront ne rejeter que deux tonnes d’ici trente ans. Au delà des efforts demandés individuellement aux citoyens, les ambitions climatiques seront avant tout l’affaire des entreprises. En effet entre 1988 et 2015, seulement une centaine de structures privées ont représenté 71 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre1. Les problématiques relatives au transport, à l’alimentation et au logement, soit les trois postes d’émission les plus importants en France2, sont de manière évidente étroitement liées à l’activité des entreprises. Quelle place et quel rôle sont donc attribués à ces dernières dans les scénarios de transition ?
Scénario 1 – Génération frugale
Les maître-mots de ce premier scénario sont la contrainte, la sobriété et la technologie (qui est impliquée à des niveaux différents dans les quatre projets). Prônant une réduction drastique (divisée par deux) de la demande en énergie, cette trajectoire nécessite également une adaptation des moyens de production de cette dernière. L’utilisation spécifique de l’électricité est diminuée par trois. Le rôle des énergies fossiles est grandement limité. L’hydrogène est quant à lui développé en tant que moyen de décarbonation. Toutes ces modifications demandent donc une refonte de l’industrie de l’énergie. En ce qui concerne l’agriculture, le plan prévoit une diminution par trois de la consommation de viande, et donc de sa production. Un souhait qui, avec celui de l’augmentation de l’agriculture extensive, bouleverse l’organisation du secteur agro-alimentaire. La neutralité carbone est atteinte entièrement grâce aux puits de carbone naturels (forêts, sols, océans). Le scénario Génération frugale prône donc une philosophie du localisme et de la proximité, autant d’un point de vue industriel qu’au niveau de la mobilité.
Scénario 2 – Coopérations territoriales
Globalement, ce plan prévoit des mesures similaires au premier scénario, bien que moins radicales. À l’instar de son prédécesseur, il envisage également de grandement diminuer la consommation de viande (par deux), occasionnant les mêmes bouleversements pour le secteur agricole. L’énergie est également décarbonée au maximum, même si la production d’électricité reste stable. Une réindustrialisation bas carbone et une maximisation du recyclage sont mises en avant grâce à l’implication des pouvoirs publics. Enfin, l’économie laisse une grande place au partage, engageant une restructuration des services et une augmentation de la location de biens. La neutralité carbone est atteinte dans ce scénario en grande partie grâce aux puits de carbone naturels.
Scénario 3 – Technologies vertes
Ce plan fait le pari du développement de nouvelles technologies à même de supporter un niveau de consommation stable et une mobilité accrue. L’utilisation de véhicules électriques, individuels et collectifs, se répand. L’industrie connaît une altération amoindrie grâce à une décarbonation rendue possible par le recours massif à l’hydrogène. Le secteur tertiaire est lui favorisé par l’optimisation numérique, qui consomme cependant 10 fois plus qu’en 2015. Le bouleversement global de l’économie est limité par des procédés qui restent structurellement les mêmes mais qui deviennent plus verts. La neutralité carbone est atteinte principalement grâce aux solutions de captation de carbone. Deux tiers des émissions sont emprisonnées via des moyens technologiques et un tiers via la captation naturelle.
Scénario 4 – Pari Réparateur
Ce dernier scénario est celui faisant le plus appel aux leviers de compensation pour décarboner la société. Nos modes de vie et de consommation restent strictement les mêmes grâce à un développement technique qui répare les systèmes sociaux et écologiques et les dommages infligés au climat. L’économie continue de croître et la fiscalité carbone est réduite à son strict minimum. La mobilisation des ressources matérielles et financières est privilégiée. Du point de vue des entreprises, « Pari réparateur » constitue donc le scénario le moins exigeant des quatre en matière de transformation structurelle. La neutralité carbone dépend ici quasiment exclusivement de technologies de captage de CO2 dans l’air encore immatures à l’heure actuelle.
Les quatre scénarios vont donc croissants au niveau de l’implication technologique et le recours aux solutions de compensation carbone. Ils sont décroissants en ce qui concerne la sobriété énergétique et la diminution de la consommation de biens et de services. Tous demandent une forme d’optimisation des processus industriels et une diminution effective des émissions de CO2. Ils n’exigent cependant pas les mêmes besoins globaux de transformation du secteur privé.
Sources :