Aujourd’hui, avec le réveil des consciences et les progrès de la science, les agriculteurs sont de plus en plus sensibles à la formidable biodiversité apportée par l’aménagement d’espaces naturels au sein de leur production. Au-delà d’une biodiversité qui renaît et modère l’usage massif des insecticides, les bocages constituent également de puissantes barrières contre les aléas climatiques, et des puits de carbone à ne pas négliger .
En septembre 2020, le gouvernement annonce la mise en place du plan France-Relance, un ensemble de mesures d’ordre économique, social et écologique pour refonder l’Hexagone. Parmi les actions concrètes présentes dans le volet « Transition agricole, alimentation et forêt », le Ministère de l’agriculture souligne l’importance de la mise en place de bocages. Le texte prévoit ainsi la plantation de 7000km de haies afin de favoriser le retour d’une faune qui avait jusque là déserté les campagnes françaises1. Les bocages, ces espaces ruraux clos, constituent en effet des zones de vie pour les animaux auxiliaires de culture qui viennent les polliniser et se nourrir de ravageurs.
Freiner la disparition des bocages
Loin d’être gagné, ce combat pour la sauvegarde du bocage existant et les projets de replantation de nouvelles haies doivent non seulement contrebalancer les 70% de haies disparues depuis les années 50, mais également stopper leur diminution qui continue malgré tout. Un changement de mentalité collectif ne pourra en effet se faire qu’à coup d’informations, d’aides et d’accompagnement personnalisés. L’objectif des 7000km de haies créés et des 90 000 km conservés permettra ainsi de prolonger les actions menées dans le cadre du Plan national de développement pour l’agroforesterie 2015-2020, en cours de renouvellement pour la période 2021-2025. Tous les agriculteurs peuvent bénéficier du Programme « Plantons des haies ! » et des appels à projet sont déjà lancés au niveau régional par la DRAAF (Directions Régionales de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt)2.
Quels avantages à la technique des bocages ?
En plantant des arbres en ligne le long des champs, les agriculteurs obtiennent des haies anti érosives qui éviteront les inondations en cas de fortes pluies, et formeront d’excellents parapluies climatiques pour la faune et les insectes, et de très pertinents coupe-vent pour le bétail. Parcourons en détails tous les avantages du retour des bocages :
Le retour de la biodiversité dans les cultures
Grâce à une haie, un étage herbacé devient le refuge des insectes prédateurs de ravageurs, l’étage arbustif celui des petits oiseaux et l’étage arboré est réservé aux grands oiseaux qui s’y poseront pour chasser dans les parcelles environnantes. Avec une biodiversité préservée, certains insectes très utiles comme le carabe reviennent dans les champs et permettent d’éviter l’utilisation massive de produits chimiques, en éliminant des ravageurs de cultures tels que les pucerons ou les limaces. Dans des considérations plus urbaines, les talus et les bocages contribuent largement à freiner l’avancée des eaux et donc à limiter le débit des rivières pour éviter les inondations. Depuis ces vingt dernières années en Bretagne, 3500km de haies sont sortis de terre pour réguler les excès de pluviosité3.
Privilégier le retour des pollinisateurs
Un bocage, c’est aussi de l’ombrage, un atout idéal pour héberger des ruches avec un partenariat intelligent entre agriculteurs et apiculteurs. Pour rendre cette biodiversité encore plus prolifique, il faut privilégier et pérenniser les essences locales, évaluer leur potentiel en nectar, pollen et propolis, puis composer leur densité selon un volume de fleurs et le calendrier de floraison4. La présence de ruches est aussi une incitation pour l’agriculteur à modérer voire même à éliminer l’usage d’insecticides. La pollinisation est également essentielle au bon rendement et à la qualité des produits agricoles. Rien qu’en Europe, l’absence de pollinisateurs entraînerait une perte de 25 à 32% de la production des cultures5.
Créer des puits de carbone naturels
En France les haies sont considérées comme un patrimoine national et sont protégées par de multiples textes : code rural, code de l’environnement, code de l’urbanisme, et le dispositif de verdissement de la PAC (Politique Agricole Commune). Elles constituent également des puits de carbone naturels et efficaces, pouvant stocker sur un seul kilomètre jusqu’à 5 tonnes eqCo2 par an6. Un agriculteur qui le désire a donc la possibilité de faire en partie financer un projet de haies bocagères en le faisant labelliser, pour ensuite revendre des crédits carbone à des acteurs privés. C’est notamment le but du projet Carbocage, porté par l’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie). Ce dispositif vise à expérimenter un marché carbone local volontaire. En participant à la plantation de haies tout autour de ses champs, l’exploitant peut, après validation de la méthode « Haie » dans le cadre du Label Bas Carbone, générer et revendre (5 ans après le début du projet) des crédits carbone à des entreprises et des collectivités. Un crédit carbone est l’équivalent d’une tonne de CO2 absorbée par les haies, et se négocie entre 80 et 150 € la tonne séquestrée7.
Productivité agricole augmentée, biodiversité conservée, protection contre les inondations renforcée, faune et flore préservées et séquestration de carbone assurée, voilà un ensemble d’avantages de taille offert par les haies, des arguments solides en faveur du retour des bocages dans les cultures.
Sources :
Crédit photo couverture : Marc Nevoux