Conférence Neutrality : la régénération du vivant au cœur de la contribution à la neutralité carbone des entreprises
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Conférence Neutrality : la régénération du vivant au cœur de la contribution à la neutralité carbone des entreprises

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Neutrality, la conférence de la contribution à la neutralité carbone des entreprises a fait son grand retour le jeudi 7 juin 2023 à Sciences Po Paris. Organisée par l'Institut Orygeen, Everwood et placée sous le Haut Patronage des Ministères de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Neutrality a réuni plus de 300 participants : des entreprises engagées aux personnalités reconnues en passant par les acteurs du secteur forestier et agricole. Cette année encore, ce rassemblement a donné de précieuses clés de compréhension aux entreprises, sur tous les sujets relatifs à la compensation carbone volontaire.

Le contexte et les enjeux de la contribution à la neutralité carbone : préserver la biodiversité au-delà de réduire et compenser ses émissions

« Il ne s’agit plus d’informer sur pourquoi s’engager, mais plutôt comment et par quels moyens. Pour cela, on va revenir sur les contextes et enjeux puisqu’on ne peut pas faire autrement lorsqu’on souhaite agir. ». C’est ainsi que Nathalie Croisé, journaliste, présentatrice et reporter radio-télé-web, spécialisée dans les enjeux liés au dérèglement climatique, a lancé cette troisième édition de Neutrality au pupitre du célèbre amphithéâtre Emile Boutmy de Sciences Po Paris.

Parmi les réflexions menées tout au long de cette conférence, le vivant ou plutôt la biodiversité et sa conservation est apparue comme l’enjeu phare à prendre en considération dans une politique de contribution. Bien au-delà du carbone, la transition écologique nous oblige à parler de stabilité planétaire. 

Attention, à l’effet tunnel. À ne voir la question climatique qu’à travers le tunnel du carbone, on passe à côté de 90% du sujet. On est aujourd’hui sur un sujet systémique qui demande de la co-création, des partenariats. Le vivant fait partie des rares solutions dans la lutte contre le réchauffement climatique pourtant le secteur est très largement méprisé.
Photo des témoignages Maximilien Rouer – Head of Regenerative Business Partnerships chez AXA Climate
Les 9 limites planétaires et leur dépassement en 2022

Et pour cause ! Nos efforts en matière de protection du vivant ne sont pas au rendez-vous. Sur 9 limites planétaires à ne pas franchir, 6 ont déjà été dépassées. Pour Maximilien Rouer : « L’objectif aujourd’hui n’est pas d’atteindre la neutralité carbone, mais la régénération du vivant et des sols. Il faut profiter de cette dynamique mondiale pour aller dans cette voie. Cet objectif passe par les secteurs du vivant qui doivent s’engager au-delà de la neutralité et les secteurs non-vivants qui eux doivent contribuer plus massivement à cet effort. Il faut voir au-delà de la neutralité et du tunnel carbone. »

La lutte contre le réchauffement climatique doit s‘accompagner d’une action sur la préservation et l’enrichissement de la biodiversité. 
Photo des témoignages Alain Herbinet – Président de la coopérative agricole SCARA

Les acteurs de la filière française forestière mobilisés

Image par Didier de Pixabay

D’un point de vue national, cet enjeu relatif à la régénération du vivant passe par la conservation de nos forêts, deuxième puits de carbone national après les océans. À l’heure où la capacité de stockage du CO2 par les écosystèmes forestiers a été divisée par deux en dix ans1, « la France à besoin de plus de bois », affirme Hervé Lefebvre, responsable du pôle trajectoires de la direction adaptation, aménagement et trajectoires bas carbone au sein de l’ADEME. « Que ce soit pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES), pour respecter les engagements en termes de production d’énergie renouvelable ou atteindre la neutralité carbone, on a besoin de plus de bois. » ajoute-t-il. De nombreuses personnalités venues témoigner lors de cette conférence Neutrality ont fait le même constat.

Peut-on s’assurer d’une transition sans forêt ? Je ne pense pas. Le premier enjeu pour nous forestier, c’est de s’assurer que les forêts soient pérennes à l’avenir.
Photo des témoignages Sylvestre Coudert – Expert forestier et PDG de Forestry France
Depuis ces dernières années, nos forêts, véritables puits de carbone, s’essoufflent. Notre rôle de forestier est donc de maintenir la capacité de nos forêts à avoir ce rôle de puits de carbone. 
Photo des témoignages Tancrède Neveu – Responsable service carbone au sein de l’Alliance Forêts Bois

Le monde agricole lui aussi mis à contribution

 Image par Jennifer Poole de Pixabay

Comment l’agriculture peut-elle se prémunir contre le dérèglement climatique ? Pour répondre à cette question, un panel de personnalités expertes est venu s’exprimer sur le sujet. Parmi elles, Léa Lugassy, responsable de la recherche et du développement au sein du mouvement Pour une Agriculture Du Vivant a réaffirmé les ambitions et les enjeux du secteur agricole en matière de contribution à la neutralité carbone.

Pour un agriculteur, capter du carbone c’est augmenter la matière organique (humus) des sols. Derrière cette réflexion, on parle d’une augmentation de fertilité, d’une meilleure capacité à retenir de l’eau ainsi que des éléments nutritifs. Tous ces éléments vont permettre à l’agriculteur de faire tourner sa ferme, de mieux produire et même de rendre son exploitation plus résiliente vis-à-vis des catastrophes climatiques. C’est à la fois s’adapter, tout en contribuant à un effort d’atténuation.
Photo des témoignages Léa Lugassy – Responsable de la recherche et du développement Pour une Agriculture Du Vivant

La docteure en agroécologie est également revenue sur les pratiques agricoles à mettre en place pour réduire et stocker efficacement les émissions de GES. Elle a notamment donné comme exemples : la diminution d’emploi d’azote, l’implantation de couverts végétaux en interculture ainsi que la réimplantion de haies, une action qui stocke durablement le CO2 et qui à la fois, à un impact direct sur la biodiversité. Ces pratiques sont d’ors et déjà connues par les agriculteurs : elles produisent de la valeur tout en ayant des impacts positifs sur l’environnement. Maintenant, tout l’enjeu réside dans le passage à l’échelle nationale. « Comment on fait ? Comment faire en sorte d’être mieux accompagné et mieux aiguillé sur ces bonnes pratiques ? » se questionne-t-elle. « On travaille avec tous les maillons de la chaîne (agriculteurs, coopératives, transformateurs, distributeurs) pour revoir le fonctionnement économique de cette filière et pour que tout ces coûts (techniques, économiques) puissent être soutenus (prime d’achat, sécuriser risque de rendement). L’approche collective est primordiale, c’est d’ailleurs ce qu’on tend à valoriser. » complète-t-elle.

Accélérer l’engagement et les politiques de financement des entreprises vis-à-vis de projets de biodiversité

Pour Mathilde Mignot spécialiste des projets de compensation carbone fondés sur la nature chez EcoAct, un des grands enjeux de cette décennie réside aussi dans notre capacité à intensifier massivement nos puits de carbone. Pour ce faire, il est important que tout le monde s’engage.

On a une chance aujourd’hui, c’est qu’il y a une prise de conscience sociétale. Pour autant, il faut encore que tout le monde réagisse. Dans une logique de complémentarité, il faut tout associer, du carbone à la biodiversité. Pour ce qui est des projets de compensation forestiers, on va faire des erreurs, on va se tromper d’essence, mais en tout cas, on a une volonté : c’est de faire de nos forêts dès aujourd’hui l’un des outils les plus forts possible pour aider cette transition écologique. C’est un des atouts de la France et il faut que les entreprises nous aident et nous accompagnent dans cette voie.
Photo des témoignages Sylvestre Coudert – Expert forestier et PDG de Forestry France

Les chiffres le démontrent. L’engagement des entreprises sur ces sujets est effectivement en train de croître. Aujourd’hui, il existe 4797 entreprises qui ont un objectif approuvé par l’initiative Science Based Target (SBTi). Rien qu’au premier trimestre 2023, 782 entreprises se sont engagées à nouveau. L’engagement est là. Il est maintenant important de bien mobiliser et de flécher ces investissements. À cet égard, deux points de vue en termes de position de financements opposent les porteurs de projets de compensation. D’un côté, certains porteurs de projets pensent qu’il faut opérer une logique de différenciation entre les financements relatifs aux projets carbone et aux projets biodiversité. De l’autre, une logique de complémentarité est préférée entre ces deux typologies de projets.

Selon Laurent Piermont, ingénieur agronome et président de la société Le Printemps des Terres, l’enjeu climat et l’enjeu biodiversité sont extrêmement liés car ils s’influencent. Pour autant, dès qu’on parle des leviers de financement et des actions à mettre en place, ce n’est pas la même histoire.

Ce que je pense profondément, et je préférerais me tromper, c’est qu’il vaut mieux distinguer le levier de financement relatif à la biodiversité et le levier de financement relatif au climat. D’un point de vue économique, lever de l’argent pour l’action climatique est plus facile, car de manière générale le carbone paye sa place, c’est-à-dire qu’un projet de réduction d’émissions peut être financé par les économies réalisées par cette réduction même, contrairement à une action de biodiversité. De plus, l’action du climat peut-être substituable. C’est d’ailleurs un des principes de base sur lequel repose la compensation carbone, à savoir qu’une molécule de CO2 émise en Inde peut-être substituée en France. Malheureusement pour ce qui est de la biodiversité, on ne raisonne pas globalement, mais plutôt localement. Il n’est ni correct, ni pertinent d’ajouter ou de soustraire de la biodiversité. C’est pourquoi je reste convaincu qu’en termes de levier de financement, il nous faut séparer les deux.
Photo des témoignages Laurent Piermont – Ingénieur agronome et président de la société Le Printemps des Terres

De son côté, Philippe Gourmain, fondateur et co-président de La Belle Forêt pense qu’il nous faut rassembler ces deux sujets.

Si on se place du point de vue de la demande, je suis d’accord avec ce qu’avance Laurent. Animé par des projets biodiversité chez La Belle Forêt, je peux vous assurer qu’au début en 2020-2021 lorsqu’on allait voir les entreprises, on faisait un flop monumental ! Les entreprises nous répondaient qu’elles voulaient du carbone pas de la biodiversité. Elles nous expliquaient que leur point de pression était là-dessus. Et c’est normal. Avec 35 ans de recherche une métrique connue par tous, le sujet carbone est devenu mature. Pour autant, si on regarde la crise environnementale à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui, nous avons l’obligation de marier ces deux sujets. C’est beaucoup d’ingénierie, de solutions et même d’échecs, mais je reste persuadé qu’on doit le faire. Pour moi, cette notion de spécialisation d’espace, d’approche en silos que défend Laurent n’est pas compatible avec ces enjeux, même si je comprends tout à fait qu’il soit plus facile d’optimiser un paramètre à la fois plutôt que deux en même temps.
Photo des témoignages Philippe Gourmain – Fondateur et co-président de La Belle Forêt

Communiquer sur sa démarche de contribution : les bonnes pratiques

Nous vous en parlions déjà dans l’article résumant la première édition de Neutrality. Bien communiquer sur sa démarche de contribution est un enjeu essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique. Dans une table ronde réunissant plusieurs professionnels du domaine, ces derniers sont revenus sur la bonne stratégie de communication à adopter. Pourquoi ne faut-il pas parler de compensation carbone ? Comment ne pas tomber dans le piège du greenwashing en communiquant sur ses actions de compensation ? La communication responsable est un enjeu essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique. 

Au début de cette table ronde, Mathieu Jahnich, conseillé, chercheur et gérant de la société MJ Conseil est revenu sur le terme de « neutralité carbone ». Terme, qui selon lui, freine la transition écologique puisqu’il a tendance à gommer l’inconfort psychologique. 

Parler de neutralité carbone ou de contribution à la neutralité carbone nous laisserait croire qu’on peut continuer à consommer sans qu’il n’y ait des répercussions sur l’environnement, le climat, la biodiversité, etc. L’allégation de neutralité carbone nous focaliserait sur cette question de gestion de nos émissions sans pour autant nous apprendre grand-chose sur la société dans laquelle on va vivre. En France, cette allégation de neutralité carbone est strictement encadrée et même si je pense qu’elle devrait être totalement abolie d’un point de vue marketing et publicitaire, tout l’enjeu d’une communication responsable réside dans la manière de communiquer sur ses actions de réduction et ses financements de projets de contribution.
Photo des témoignages Mathieu Jahnich – Consultant, chercheur et gérant

Selon Mathieu Jahnich, la communication responsable revient à rappeler à chacun qu’il y a des règles déontologiques, des règles d’éthiques et de plus en plus de règles de droit, avec une réglementation qui se durcit à l’échelle européenne, contraignant les entreprises à communiquer de manière plus responsable. « C’est pour cela que l’on a besoin des professionnels de la communication, du marketing et de la publicité pour transformer les organisations les entreprises et donc la société. » conclue-t-il.

Pour Céline Puff Ardichvili, directrice générale et associée de Look Sharp, une agence de conseil en relations publiques engagée et spécialisée dans les transitions : « La communication responsable c’est avant tout une histoire de confiance. »

Que faut-il faire pour communiquer de manière responsable ? Quels en sont les avantages ? Comment mesurer son impact ? Les réponses à ces questions feront l’objet d’un prochain article de Capitaine Carbone.

Zoom sur la taxonomie européenne

Ce rassemblement était l’occasion de revenir sur la nouvelle taxonomie verte instaurée par l’Union Européenne. Taxonomie qui a des conséquences sur notre réglementation nationale. Comment fonctionne ce nouveau système de classification européen ? Issue du Green Deal, la taxonomie européenne vise à fournir une référence commune aux investisseurs, aux entreprises et aux décideurs politiques pour déterminer si une activité économique est considérée comme durable et respectueuse de l’environnement. L’objectif principal de la taxonomie européenne est de favoriser l’investissement dans des projets durables, d’encourager la transition vers une économie verte et de soutenir les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat. Dans cette keynote, Eric Allodi, cofondateur et directeur général de la société Upcyclea nous apprend que la taxonomie européenne repose sur un ensemble de critères techniques et scientifiques définis par la Commission européenne. Ces critères couvrent plusieurs domaines, tels que le changement climatique, la protection de l’environnement, l’utilisation durable des ressources et la prévention de la pollution. 

Là aussi, nous aurons l’occasion de revenir plus en détails sur ce qu’est que la taxonomie verte et les différentes notions associées dans un prochain article dédié spécifiquement à ce vaste sujet. 

Compenser ses émissions c’est bien. Les réduire en amont c’est mieux.

Le GIEC a défini nos émissions globales de GES à environ 40 Gigatonnes d’eq COpar an. Il estime en parallèle qu’en « poussant les curseurs à fond » le potentiel de séquestration carbone de GES, que ce soit par voies naturelles ou voies humaines, atteindrait 18 à 20 gigatonnes de GES. On est donc confronté à un rapport de 1 à 2 entre les émissions annuelles et les potentiels de séquestration. Par ce constat, il est essentiel de rappeler qu’une politique de contribution à la neutralité carbone ne se formalise pas seulement autour d’une démarche de compensation. Et cette année encore, même à la conférence Neutrality sur la compensation carbone volontaire des entreprises, le discours véhiculé demeure cohérent avec cette idée. 

Il n’est plus acceptable qu’une démarche de contribution d’une entreprise tourne à 80% autour du principe de compensation. La compensation carbone doit rester à sa place et ne peut plus être l’élément majeur d’une politique de contribution à la neutralité carbone.
Photo des témoignages Géraud Guiber – Président de La Fabrique Ecologique

C’est dans ce contexte qu’Hervé Lefebvre explique la position de l’ADEME sur le sujet.

La priorité pour l’ADEME c’est avant tout de mettre en avant des pratiques de réduction. Pour autant, lorsqu’on parle de compensation c’est sur le temps long. Il devient donc nécessaire d’engager des démarches concrètes dès aujourd’hui. Bien sûr, la priorité est d’éviter et de réduire, mais il ne faut cependant pas attendre d’avoir réduit toutes ses émissions compressibles avant de pouvoir engager des démarches de compensation carbone volontaire.
Photo des témoignages Hervé Lefebvre – Responsable du pôle trajectoires de la direction adaptation, aménagement et trajectoires bas-carbone à l’ADEME

Exemples de projets de compensation présentés à la conférence Neutrality

Nombreux sont ceux venus exposer leurs projets de compensation au travers de leur démarche de contribution. Cette conférence était également l’occasion de partager des méthodes pour inspirer les entreprises volontaires à suivre leur voie.

Projets de compensation carbone : point de vue des entreprises

© Lidl

Le cas Lidl Groupe : la première entreprise à exposer ses pratiques de contribution à la neutralité carbone était Lidl Groupe. Dans une table ronde sur les exemples de projets en France et hors de France, le géant de distribution allemand est revenu sur sa démarche bas-carbone. Selon Manon Salaün, cheffe de projets RSE Achat chez Lidl France : « Lidl Groupe est signataire de la SBTi (Science-based Targets Initiative) depuis 2020. Par conséquent, nous avons dû mettre en place un plan d’action concret. Pour ce faire, nos services logistiques et immobiliers mettent en place des démarches pour essayer de réduire au maximum nos émissions directes. On va par exemple avoir un système de reverse logistique. Pour faire simple, aucun de nos camions ne voyagent à vide. Lorsque les camions emmènent en supermarché les marchandises, ils reviennent sur nos plateformes de tri avec les déchets. Sur les aspects immobiliers, on met actuellement en place des projets qui ont pour but de limiter notre impact sur le sol tout en favorisant l’utilisation de matières locales. Pour tout vous dire, on a un projet pilote à Angers qui consiste à réutiliser les ardoises recyclées communes dans cette région. ». Ces actions consistent à réduire les émissions du groupe. 

D’autre part, Manon Salaün a présenté la politique de compensation de Lidl : « Tous les ans, on réalise notre bilan carbone et grâce à cet outil de mesure, on a appris que 98% de nos émissions de GES étaient liées à notre scope 3 dont 75% originaire de nos fournisseurs. Ainsi, nous avons entrepris des démarches pour travailler avec eux et les engager à signer la SBTi d’ici à 2026. L’idée est de pouvoir agir directement sur notre chaîne de valeur ». Par cette volonté de mettre en place des projets d’insetting, on apprend que Lidl France travaille en contrat tripartite avec l’APAL et ses agriculteurs. L’objectif de ce projet consiste à accompagner les agriculteurs dans l’amélioration de l’empreinte environnementale de leur exploitation.

Au-delà des projets carbone, Lidl mène aussi des projets biodiversité : « Comme la justement dit Maximilien Rouer en début de conférence, il n’y a pas que la vision carbone qu’il faut avoir. C’est pour ça que nous travaillons avec la fondation Earthworm et le programme Sols Vivants pour améliorer la qualité des fruits et légumes de nos producteurs. ».

Pour ce qui est de la compensation carbone en dehors de sa chaîne de valeur, Lidl affirme travailler avec le projet Carbocage et planter des haies autour des supermarchés.

© UNIMA

Le cas UNIMA : autre exemple, autre façon de faire. Créée en 1965 à Madagascar, UNIMA est une PME familiale spécialisée dans l’élevage et la commercialisation de crevettes de Madagascar. En se rendant compte très tôt (1999) que la ressource au cœur de son activité n’est pas illimitée, l’entreprise décide de se lancer dans l’Aquaculture en domestiquant sa production de crevettes.

Phillipe Blais, directeur Qualité et RSE au sein d’UNIMA Distribution nous en apprend un peu plus à ce sujet : « La raison d’être d’UNIMA est de cultiver et de préserver la nature pour nourrir l’Homme de manière saine et durable tout en créant de la richesse et en veillant à la partager avec nos collaborateurs et les communautés locales. UNIMA participe aux ODD (éducation, préservation faune et flore, réchauffement climatique) fixés par l’ONU et développe un éco-modèle de production au niveau aquacole avec une faible densité de crevettes cultivées sans pesticide et sans antibiotique. Nous avons également mis en place une politique de réduction d’émissions de 2,6% par an entre 2007 et 2019. » 

Au niveau des émissions évitées, UNIMA participe à la préservation des forêts (51000 hectares). Depuis 1998, l’entreprise a planté plus de 2 700 000 arbres et 1 000 000 de palétuvier mangroves dans le but de régénérer des surfaces érodées appelées Tarn à Madagascar. 

UNIMA est perçue comme un exemple d’entreprise générative qui considère dans sa démarche RSE, la totalité de la valeur créée et détruite par son activité. 

Projets de compensation carbone : le point de vue des porteurs de projet

© NEOSYLVA

Le cas NEOSYLVA : l’approche de NEOSYLVA est similaire à celle de l’entreprise UNIMA à savoir considérer la totalité de la valeur créée et détruite par l’entreprise. De cette manière, la société française d’investissement et de gestion forestière est capable de proposer un modèle économique innovant à ses clients, les petits propriétaires privés qui ne sont pas en mesure de pouvoir gérer leur forêt. 

Comme nous l’explique Jean-Guénolé Cornet, président de NÉOSYLVA : « On ne va pas partir des injonctions économiques en matière de retour sur investissement sinon on n’y arrivera pas. On va partir du cycle naturel de la forêt et travailler pour trouver un modèle qui permette de répondre à ce cycle-là. Et c’est comme ça qu’on se rémunère sur des horizons de temps très long entre trente, quarante, cinquante ans. ».

Concrètement, l’entreprise nantaise vient signer un bail avec le propriétaire du domaine forestier et engage sa responsabilité sur une durée de 40 à 100 ans pour réaliser les investissements nécessaires à son entretien et son amélioration. 

© La Belle Forêt

Le cas La Belle Forêt : fondée en 2021 par Matthieu de Lesseux, Philippe Gourmain et Aurélien Barthélemy, La Belle Forêt apporte aux entreprises des projets de compensation avec un fort potentiel de captation de carbone et en même temps, un fort impact de biodiversité. 

Comme l’explique Philippe Gourmain présent à la conférence : « Chaque projet génère des unités de réduction d’émission (URE) à impact biodiversité. Pour ce faire, La Belle Forêt a développé une méthodologie de conservation de peuplements déjà en place qui continuent à stocker du carbone et qui tiennent le coup face aux aléas dus au réchauffement climatique. Ce sont à la fois des stocks et des flux. En conservant les peuplements, on conserve les habitats et donc cette méthodologie est déjà, de par sa nature, source de biodiversité. ». 

La démarche La Belle Forêt est exigeante et oblige les propriétaires signataires à abandonner certaines pratiques sylvicoles qui vont à l’encontre de l’objectif de préservation de la biodiversité comme la coupe rase, l’utilisation de pesticide et d’engrais de synthèses. 

© EcoAct

Le cas EcoAct : dans cette volonté d’agir plus loin et plus vite, EcoAct est venu évoquer ses différents projets biodiversité.

Comme l’explique Mathilde Mignot, spécialiste des projets de compensation carbone fondés sur la nature chez EcoAct : « Avec le programme la décennie de l’océan lancé par l’ONU, EcoAct a développé de nombreux projets et méthodologies en lien avec la préservation des océans. Que ce soit une technologie pour préserver et reforester la population de mangrove en Asie du Sud ou développer avec le label bas-carbone une méthodologie de protection des herbiers marins en territoire outre-mer comme les posidonies, EcoAct agit aujourd’hui dans une logique globale. ».

Présentation du fonds de dotation : « Les entrepreneurs pour le climat »

En fin de journée, Patrice Robichon, délégué au Développement Durable et conseiller scientifique auprès de la direction Pernod Ricard a présenté le fonds de dotation Les entrepreneurs pour le climat. Créé en juillet 2021 par l’institut Orygeen, ce fonds vise à rassembler les TPE, PME et PMI afin d’agir collectivement face au changement climatique. Pour ce faire, le fonds propose à ses membres un ensemble de projets de compensation auxquels ils peuvent adhérer.

Selon ses statuts, le fonds de dotation a pour objet de soutenir et conduire toute mission d’intérêt général contribuant à la production de l’environnement naturel, la biodiversité et les écosystèmes sous toutes ses formes en France et à l’internationale par la mise en œuvre des principes de développement durable. Nous proposons donc aux entreprises de nous rejoindre pour agir ensemble dans une logique de mécénat.
Photo des témoignages Patrice Robichon – Délégué au Développement Durable et conseiller scientifique chez Pernod Ricard

Pour en savoir davantage et passez à l’action, rejoignez le club des entrepreneurs pour le climat.

Des échanges interrompus par une « Surprise Party »

© canopée.fr

Impossible d’évoquer cette troisième édition sans la retentissante intervention de Canopée une association française indépendante spécialisée dans le plaidoyer pour la défense des forêts.

En pleine table ronde sur les nouvelles pratiques de la forêt/agriculture pour la séquestration carbone, 25 militants de l’organisation sont venus interpeller Tancrède Neveu, le représentant de la plus grande coopérative forestière privée du pays Alliance Forêts Bois. Selon l’association lanceuse d’alerte, la coopérative pratiquerait du greenwashing en revendant notamment des crédits carbone (labellisés bas-carbone) issus de projets de reforestation dus à la coupe rase, une pratique sylvicole controversée et peu encadrée qui désigne en gestion forestière l’abattage de l’ensemble des arbres d’une parcelle. À coup de prospectus, de lâcher de ballons, de déroulage de bâches et de diffusion de bande sonore laissant entendre des bruits de tronçonneuse, Canopée met en exergue les potentiels dérives que peut engendrer le processus de compensation carbone et touche du doigt une problématique plus profonde : celle de la gestion de nos espaces forestiers dans le cadre d’un marché carbone encore peu réglementé.

Suite à cette intervention, Léa Lugassy, coordinatrice scientifique et technique mentionnée précédemment enjoint les protagonistes à venir échanger sur ces sujets de discorde. À suivre…

Découvrir l’action de l’organisation en intégralité juste ici : Canopée interpelle Alliance Forêts Bois.

Pour conclure

Le mot de la fin était attribué à Géraud Guibert président de la Fabrique Écologique, un laboratoire d’idée sur l’écologie politique et développement durable. Selon lui, cette journée nous a permis de tracer des réflexions sur la situation actuelle : « Tout d’abord, il est urgent de prendre conscience de la crise climatique dans laquelle nous sommes. C’est facile à dire, mais je vous assure qu’il est compliqué d’en prendre conscience. Deuxièmement et comme il l’a été mentionné plus d’une fois tout au long de cette journée, on ne peut pas, du moins plus, se limiter à une réflexion sur le carbone. La réflexion autour des enjeux climatiques se doit d’être plus holistique et de prendre en compte les enjeux des écosystèmes de manière générale. Une autre piste de réflexion peut-être menée sur le mot sobriété. À la suite de la crise énergétique, tout le monde ou presque est d’accord avec cette idée. C’est pourquoi je pense qu’il y a nécessité de repenser l’organisation collective dans le sens de la sobriété. » 

À voir maintenant si la prochaine édition de Neutrality mettra en exergue plus de politiques bas-carbone basées sur le levier d’action de la sobriété. Dans tous les cas, Capitaine Carbone sera là pour vous en parler.

Encore une fois, la conférence Neutrality a tenu ses ambitions. Tout au long de la journée, nous avons pu découvrir de quelles manières les entreprises agissent dans cet effort collectif qu’est la contribution à la neutralité carbone. Au-delà de la question du carbone, la régénération et préservation du vivant est apparue comme un enjeu majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique. Tous les échanges auxquels nous avons pu assister vont nous permettre, à notre tour, de réaliser ce travail de transmission en vous informant le plus précisément possible sur ces sujets aussi importants que passionnants.

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