- Historique de la problématique du réchauffement climatique
- Le climat de la Terre et ses variations naturelles
- L’histoire de la compréhension scientifique du sujet du dérèglement climatique
- Dérèglement climatique : impact sur nos conditions de vies et prise de conscience politique
- Problèmes géopolitiques à venir pour l’humanité : l’anthropocène
- La prise de conscience internationale et les outils de politiques publiques
Introduction et contexte
Le réchauffement climatique, ou plus justement le dérèglement climatique, est une préoccupation sociétale et politique finalement assez récente. Malgré les premières découvertes scientifiques au cours du XIXe siècle, la prise de conscience a été lente, et il faudra attendre la fin des années 50 pour que des recherches remettent la problématique sur le devant de la scène, et les années 70 pour que la communauté internationale s’en inquiète réellement. La recherche scientifique a prouvé à maintes reprises la grande part de responsabilité de l’activité humaine dans cette crise écologique. L’heure n’est donc plus au débat mais à l’action politique pour tenter d’éviter, ou en tout cas limiter, les effets désastreux du réchauffement climatique. Le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), qui fait autorité sur le sujet, estime que si nous dépassons +1,5°C, ce réchauffement pourrait entraîner « progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles », dont les effets pourraient être visibles bien avant 2050.
Pour comprendre comment nous en sommes arrivés à cet état d’urgence climatique et nous projeter vers un futur décarboné, il est essentiel de se pencher sur le passé, de prendre du recul pour avancer dans le bon sens.
Il est fondamental de se familiariser avec la notion de « climat », et sur l’histoire de ses variations naturelles, puis revenir sur l’historique des avancées scientifiques qui ont permis de révéler le dérèglement climatique.
Les impacts du réchauffement climatique sont déjà palpables sur l’environnement et nos conditions de vie, mais il reste encore de l’espoir pour freiner la catastrophe annoncée. Une volonté politique forte au niveau mondial et la mise en place de solutions drastiques rapidement permettraient d’organiser le monde de demain autour d’une nouvelle économie plus responsable, en conciliant croissance, confort et lutte contre la hausse des températures moyennes.
Historique de la problématique du réchauffement climatique
Le climat de la Terre et ses variations naturelles
Avant de se pencher sur l’histoire du dérèglement climatique lié à l’activité humaine, il paraît essentiel de comprendre les variations naturelles du climat sur notre planète bleue.
Climat, météo, quelle différence ?
« Temps / Météo » et « Climat » ne sont pas synonymes, il est important d’emblée de faire le distinguo entre ces deux notions qui peuvent s’entremêler dans nos esprits.
Le temps qu’il fait, ou la météo, représente la condition atmosphérique dominante dans une zone précise à un moment déterminé. Cela se traduit par la chaleur ou le froid, un ciel clair ou nuageux, la sécheresse ou l’humidité, le vent ou le calme.
D’après le physicien de l’atmosphère, Jean-Louis Fellous, «Le climat caractérise l’état moyen de nombreux paramètres, principalement physiques, de l’atmosphère, de l’océan et des surfaces continentales. […] De manière usuelle, le climat désigne la moyenne, calculée sur une longue période de temps (30 ans, par convention, pour les météorologistes), des observations de paramètres tels que la température, la pression, la pluviométrie ou la vitesse du vent, en un lieu géographique et à une date donnés.»
Pour simplifier à l’extrême, on pourrait dire que le climat est une moyenne sur un temps long de toutes ces données météorologiques. Toutefois les climatologues ne s’intéressent pas qu’aux «moyennes», ils vont également prendre en compte d’autres indicateurs, comme les valeurs de températures extrêmes, le volume des océans, la masse des glaciers,… Ces informations agglomérées vont permettre d’étudier les variations naturelles du climat, mais aussi repérer des phénomènes climatiques « anormaux ».
Comment fonctionne le système climatique de la Terre ?
Le système climatique se définit par les interactions entre des composants sur Terre et dans l’atmosphère. Surfaces continentales, hydrosphère (eau présente sur Terre…), cryosphère (glaciers, manteau neigeux…), biosphère (organismes vivants) et atmosphère composent cet ensemble dans lequel s’opèrent des échanges multidirectionnels. Eau, chaleur, mouvement et composés chimiques circulent entre ces cinq composants du système climatique qui n’a qu’une source d’énergie : la lumière du soleil. En ayant en tête que tous ces composants sont liés entre eux, on comprend pourquoi le climat se dérègle si des forçages anthropiques en perturbent l’équilibre. Il s’agit d’un cercle vicieux : par exemple, si on produit trop de gaz à effet de serre, leur concentration dans l’atmosphère va retenir la chaleur, ce qui va provoquer la fonte des glaciers et du manteau neigeux, qui ne pourront plus assez réfléchir les rayonnements solaires. Ces derniers vont alors surchauffer le sol ou l’océan, ce qui fera encore augmenter la température de la Terre. La boucle du réchauffement climatique est bouclée.
Quelques notions pour appréhender la machine thermique de la Terre
Comprendre le réchauffement climatique ne se borne pas à l’étude climatologique, il faut également s’intéresser, entre autres, à l’énergie thermique qui circule à l’intérieur de notre planète. Il n’est nul besoin de voyager au centre de la Terre ou de plonger vingt mille lieues sous les mers, pour se rendre compte que notre planète est une véritable machine thermique : les volcans, les sources chaudes, la dérive des continents en sont les preuves les plus visibles.
À la genèse des sciences géothermiques, on trouve le naturaliste Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, qui mène les premières études scientifiques sur l’origine de la chaleur de la Terre, au XVIIIème siècle. Deux-cent ans plus tard, la découverte de la radioactivité marque les plus belles avancées dans la compréhension de l’énergie thermique de la Terre. Au début du XXème, les physiciens déterminent que les flux de chaleur provenant de l’intérieur de la croûte terrestre résultent de la désintégration des éléments radioactifs présents dans les roches et le noyau. Les trois éléments qui se désintègrent sont l’uranium, le potassium et le thorium.
Les chercheurs expliquent par la suite que l’on doit cette source de chaleur à la formation de notre planète par accrétion, c’est-à-dire l’agglomération de matière solide, gazeuse et liquide.
Cette présentation très succincte des principes de l’énergie thermique de la Terre nous aide à comprendre que le climat varie en dehors de l’intervention de l’Homme. Des fluctuations des courants océaniques aux éruptions volcaniques, en passant par l’activité solaire, la position astronomique de la Terre et d’autres paramètres qui nous échappent encore, ces phénomènes concourent aux changements climatiques, il s’agit de cycles naturels (augmentation, baisse des températures).
Les grandes périodes de changements climatiques naturels
Réchauffement, refroidissement, à l’échelle du globe, les recherches scientifiques démontrent que la Terre a connu de nombreuses variations climatiques naturelles.
La période Paléocène-Eocène
Il y a 65 millions d’années, notre planète entrait dans la première époque géologique du tertiaire : le Paléocène. Pendant cette période et la suivante, l’Eocène, qui s’étend d’il y a 56 à 34 millions d’années, la Terre subit des réchauffements climatiques souvent brusques et qui durent plusieurs dizaines de milliers d’années.
Grâce aux progrès de la science, on sait par exemple que le pic thermique le plus haut (de +4 °C à +7 °C en quelques milliers d’années) a été enregistré il y a 56 millions d’années et a duré environ 200 000 ans. Cette période de réchauffement nommée le « Paléocène-Éocène Thermal Maximum », aurait été provoquée par une augmentation des émissions gaz à effet de serre, dont on connaît encore mal la provenance (peut-être des sédiments).
Durant le Paléocène-Eocène, la Terre est en proie à d’autres réchauffements du climat plus courts d’un point de vue géologique et moins intenses, avec des augmentations d’environ 3 °C.
L’arrivée de l’Homme sur Terre : du Pléistocène à l’Holocène
Un pas de géant plus tard sur la frise chronologique planétaire et nous arrivons à la Préhistoire, qui marque l’apparition de l’Homme sur Terre, il y a environ 2,5 millions d’années. Une présence humaine qui coïncide avec le début de la période du Pléistocène (période géologique du quaternaire), qui se caractérise par un cycle glaciaire. Une alternance entre glaciations et réchauffements est à l’origine des paysages, des reliefs, que nous connaissons aujourd’hui. L’Europe du Nord et l’Amérique du Nord sont alors enfouies sous une épaisse couche de glace, la fonte de cette calotte glaciaire a ainsi donné de nombreux lacs. L’Holocène succède au Pléistocène et débute il y a environ 11 000 ans, après la dernière glaciation de la Terre. Cette période dans laquelle nous sommes toujours officiellement aujourd’hui est considérée comme la plus tempérée, avec des conditions climatiques qui favorisent la croissance de la population humaine. Toutefois, on note des périodes de variations du climat, avec par exemple une augmentation légère des températures au Moyen-Age, entre l’an 950 et 1250 (l’optimum médiéval) et, au contraire, un refroidissement entre 1450 et 1850 (« le petit âge glaciaire »).
Il existe donc bel et bien des variations du climat d’origine naturelle qui prévalaient jusqu’au XIXème siècle. Mais depuis la révolution industrielle, le réchauffement climatique que nous vivons actuellement est imputé en majeure partie à l’activité humaine. Comment la science a déterminé cet état de fait ? Quelles en sont les causes ? Revenons sur l’histoire scientifique du dérèglement climatique.
L’Histoire de la compréhension scientifique du sujet du dérèglement climatique
Introduction sur les débuts de la science du climat
L’observation d’un dérèglement climatique ne date pas d’hier et faisait déjà l’objet d’ouvrages dans la Grèce antique, interpellant de grands philosophes comme Aristote, Théophraste ou Platon. Il faudra attendre le XVIIIe siècle pour que la notion scientifique de variation climatique émerge, puis la période de l’entre-deux-guerres pour que la climatologie soit reconnue officiellement comme une science.
La science du climat est multidisciplinaire : elle s’appuie également sur la glaciologie (étude des glaciers), la palynologie (étude des pollens fossilisés), la phénologie (étude des dates de maturité des plantes), la météorologie et encore la dendrochronologie (étude de la croissance des arbres).
Les Fondations de l’étude scientifique du réchauffement Climatique
En 1824, le mathématicien et physicien Jean-Baptiste Joseph Fourier identifie et pose les bases de l’ « effet de serre » dans ses « Remarques générales sur les températures du globe terrestre et des espaces planétaires ». Il interprète et transpose à la Terre, les travaux de Horace-Bénédict de Saussure (1779), qui mesurent les effets thermiques des rayons du soleil à travers une boîte vitrée. Fourier, dans son analyse, compare les vitres de la boîte à l’atmosphère de la Terre et fait cette déduction :
« C’est ainsi que la température est augmentée par l’interposition de l’atmosphère, parce que la chaleur trouve moins d’obstacles pour pénétrer l’air, étant à l’état de lumière, qu’elle n’en trouve pour repasser dans l’air lorsqu’elle est convertie en chaleur obscure 1 . » (Source : Fourier J.-B. J., 1890 : Œuvres de Fourier. Gauthier-Villars, Paris, II, 636 p.) 1 rayonnement infrarouge tellurique
Les grandes périodes de la recherche scientifique sur le dérèglement climatique
Si Fourier identifie le phénomène de ce qui sera nommé plus tard « effet de serre », reste à savoir ce qui l’amplifie et provoque le réchauffement anormal de notre climat.
Le XIXème siècle, entre Révolution industrielle et découvertes scientifiques fondatrices sur le réchauffement climatique
Le XIXème est le siècle de notre entrée dans l’ère industrielle, dans la production de masse et donc dans l’exploitation sans limite des énergies fossiles. Si l’industrie bat son plein sans se soucier encore de ses effets sur l’environnement, en parallèle la recherche scientifique s’intéresse aux variations climatiques de la Terre, et commence à y voir des corrélations avec l’activité humaine.
En 1860, le physicien John Tyndall reprend les recherches de Saussure et Fourier et détermine que la cause de l’effet de serre serait la variation des composants de l’atmosphère, il évoque principalement la vapeur d’eau, mais n’oublie pas de mentionner le CO2 . Il explique dans son étude sur l’effet de serre qu’« Un léger changement dans les constituants variables de l’atmosphère suffit pour que se modifie la quantité de chaleur retenue à la surface de la Terre enveloppée par la couverture d’air atmosphérique. »
C’est à la toute fin de ce siècle, en 1896 que le lien est réellement établi entre l’activité industrielle et un possible réchauffement du climat. Les recherches de Svante August Arrhenius, sonnent aujourd’hui à nos oreilles comme la première alerte scientifique révélant l’impact de l’Homme sur le climat. Le savant suèdois prouve que l’exploitation des énergies fossiles (principalement le charbon à cette époque) augmente les rejets de gaz carbonique dans l’atmosphère et provoque un réchauffement du climat. Il énonce que si la concentration de CO2 était doublée (par l’activité humaine), la température augmenterait de 5°C.
Des années 20 aux années 50 : la recherche avance mais l’impact de l’Homme est encore minimisé
Entre les deux guerres mondiales, les scientifiques cherchent à reconstituer le passé climatique de la Terre (paléoclimats). Toute une littérature émerge sur l’histoire des climats pendant la préhistoire et sur l’étude de la géochimie. Les publications d’Alfred Wegener et Vladimir Köppen (Die Klimate der Geologischen Vorzeit) ou encore de Vernadsky (La géochimie) en sont les premières références au début des années 1920. Déjà à cette époque, Vernadsky prévient que la déforestation a des conséquences sur le taux de CO2 dans l’atmosphère. Ses conclusions ne sont pas réellement prises en compte, et on continue de penser que l’influence de l’Homme sur le climat est anecdotique jusqu’aux travaux de Charles David Keeling, qui marquent un véritable tournant scientifique sur l’explication du réchauffement climatique. Ces observations parallèles des variations de températures saisonnières et de l’augmentation de la concentration moyenne de CO2 confirment la théorie de Tyndall, échafaudée un siècle auparavant. Enfin la communauté scientifique s’empare de la problématique du réchauffement climatique, et il devient alors plus compliqué de nier l’impact de la croissance des pays développés, en plein cœur des Trentes Glorieuses. Les mesures continues du taux de concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, initiées par le scientifique américain sur l’île d’Hawaï, forment aujourd’hui la courbe de Keeling, un graphique de référence pour comprendre l’évolution du climat depuis la fin des années 50 à nos jours.
Des années 70 aux années 80 : la recherche scientifique reçoit le soutien de politiques environnementales mondiales
Les travaux de Keeling trouveront un écho dans l’opinion publique au début des années 70, avec notamment le rapport Meadows (“The limits to Growth”) qui convoque la courbe de Keeling pour expliquer qu’une croissance exponentielle de l’activité humaine, sans prise en compte des limites de l’environnement, risque de nous mener à la catastrophe. La fin des Trente Glorieuses est un tournant dans les mentalités, et les recherches scientifiques connaissent un nouvel essor grâce à l’émergence d’une conscience politique environnementale.
En 1972, le biologiste-agronome René Dubos rédige le rapport « Nous n’avons qu’une Terre » avec l’économiste Barbara Ward, en préparation de la première Conférence des Nations unies sur l’environnement de Stockholm, appelée aussi « Sommet de la Terre ». Ce rapport établit un lien sans équivoque entre le développement de l’activité humaine et l’environnement. Sept ans plus tard, la Première conférence mondiale sur le climat à Genève conclut que les émissions de dioxyde de carbone résultant de l’Homme pourraient avoir un effet à long terme sur le climat. Suite à cette conférence, le premier Programme de recherche climatologique est lancé afin d’affiner la compréhension du système climatique planétaire.
Autre date clé, la naissance du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) en 1988. Sous l’égide de l’Organisation météorologique mondiale et du Programme des Nations unies pour l’environnement, il réunit 130 pays, 2 500 intellectuels, 130 représentants des gouvernements, 800 auteurs. Le premier groupe est composé de scientifiques, le deuxième évalue les impacts des découvertes scientifiques sur le monde et le troisième étudie les répercussions démographiques, sociologiques et économiques du changement climatique.
Des années 90 à l’aube de l’an 2000 : l’impact de l’Homme sur la planète devient perceptible
Après un premier rapport en 1990 qui pose les bases d’une convention-cadre sur les changements climatiques élaborés par les Nations Unis, le GIEC fait de nouveau entendre sa voix en 1995 en publiant un deuxième rapport qui met en exergue « l’influence détectable de l’homme sur le climat global ».
«Les indications récentes les plus convaincantes de l’influence de l’Homme sur le climat viennent de la comparaison des caractéristiques (géographiques, saisonnières et verticales) des changements de températures observés, d’une part, et prédits, en tenant compte de l’effet combiné des gaz à effet de serre et des aérosols soufrés d’origine anthropique, d’autre part. Ces études montrent que la concordance entre ces caractéristiques s’améliore progressivement, comme on peut s’y attendre, à mesure que le signal d’origine anthropique s’intensifie. Il existe, en outre, une très faible probabilité pour qu’une telle concordance se produise par hasard, comme le résultat de la seule variabilité interne et naturelle du climat. De plus, le profil vertical du changement observé ne correspond pas à celui attendu pour les forçages solaires et volcaniques. » Résumé sur les changements climatiques à l’intention des décideurs, établi par le groupe de travail 1 du GIEC, par Jean Jouzel (Laboratoire des Sciences du Climat et l’Environnement, CEA-CNRS-UVSQ) et Benoît Urgelli (ENS Lyon / DGESCO)
En 2000, le chimiste néerlandais Paul Crutzen va plus loin en s’opposant à la qualification de notre période géologique actuelle par le terme Holocène. Il propose de la renommer Anthropocène afin de signifier clairement l’influence de l’activité humaine sur le réchauffement climatique. Le débat est encore houleux concernant le début de cette période “Anthropocène”. Tout dépend des marqueurs scientifiques pris en compte, soit il est possible de la faire débuter dès l’ère pré-industrielle (fin du XVIIIème siècle), soit certains pensent qu’elle commence après la Seconde Guerre mondiale (début de La Grande Accélération, c’est-à-dire une dégradation très rapide et très homogène de la biosphère en parallèle à une consommation tout aussi énorme des ressources.).
Des années 2000 à nos jours : l’urgence climatique
Au cours des années 2000-2010, l’inquiétude grandit au sein de la communauté scientifique. En 2007, le nouveau rapport du GIEC conclut que l’essentiel de l’accroissement constaté de la température moyenne de la planète depuis le milieu du XXe siècle est « très vraisemblablement » dû à l’augmentation observée des gaz à effet de serre émis par l’Homme. Le taux de certitude est supérieur à 90 %, contre 66 % lors du précédent rapport publié en 2001.
Ce fait est donc de plus en plus établi scientifiquement parlant, et en 2014, ce sont les risques « élevés à très élevés » en cas de hausse moyenne des températures de +4° C par rapport à la période préindustrielle, qui préoccupent le groupe d’experts. Le GIEC ne cessera d’alerter la communauté internationale sur le réchauffement climatique (Rapport spécial en 2018), s’alarmant des dégâts possibles si la barre des +1,5 ° est atteinte. Le groupe annonce l’imminence de ce point de non retour, qui pourrait survenir bien avant 2050, si aucun changement drastique n’est entamé rapidement, d’après les recherches en cours (le 6e rapport dont la publication est prévue en 2022 fait actuellement l’objet des relectures scientifiques).
Les causes avérées du dérèglement climatique liées à l’activité humaine
Comme la science l’a démontré, en analysant le passé mais aussi en ayant prédit avec un haut degré de fiabilité la trajectoire des 30 dernières années, les activités anthropiques sont bien la cause majeure du changement climatique. Mais de quelles activités parle-t-on exactement ?
L’exploitation des énergies fossiles : la problématique originelle
L’utilisation massive d’énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel) pour l’industrie et les transports en tête, accompagne le développement économique de la planète, mais provoque aussi une augmentation de dioxyde de carbone dans l’atmosphère estimée à +35 % par rapport aux niveaux atteints avant la Révolution Industrielle. À la source du problème, les énergies fossiles apparaissent clairement comme nos pires amies ou nos meilleures ennemies. Ce qui est sûr, c’est qu’à elles seules, elles ne représentent pas moins de 70 % des émissions mondiales de CO2…
Qu’est-ce que l’énergie fossile ?
On qualifie de « fossile » l’énergie produite par la combustion du charbon, du pétrole ou du gaz naturel. Ces combustibles, riches en carbone et en hydrogène, sont issus de la transformation de matières organiques enfouies dans les entrailles de la Terre durant des millions d’années. Les énergies fossiles sont non renouvelables, c’est-à-dire qu’une fois utilisées, elles ne peuvent être reconstituées qu’à l’échelle des temps géologiques. Cette échelle de temps débute probablement avec l’âge estimé de la Terre, soit plus de 4,6 milliards d’années.
L’ère industrielle, le début de l’utilisation massive des énergies fossiles
Les énergies fossiles, en premier lieu le charbon, sont à l’origine d’un développement industriel sans précédent à la fin du XVIIIème siècle. La Révolution industrielle doit tout à la maîtrise de ces sources d’énergies qui donnent l’illusion, à l’époque, d’être inépuisables. L’usage massif du charbon associé à la machine à vapeur permet donc l’essor des transports et de l’industrie.
Dans cette nouvelle ère industrielle, les hydrocarbures entrent progressivement dans la course à la fin du XIXe siècle. L’exploitation du gaz et du pétrole (y compris pour produire l’électricité) va considérablement améliorer le confort quotidien des habitants des pays industrialisés. Les habitations sont mieux chauffées, de l’eau chaude coule dans leur robinetterie, les moyens de transport deviennent de plus en plus rapides … Ces énergies fossiles ont donc permis le développement des conditions de vie que nous connaissons aujourd’hui dans les pays industrialisés.
Difficile de se passer de ces ressources au niveau mondial
Dans les pays de l’Union Européenne, le virage énergétique semble suivre la bonne voie, globalement la tendance se tourne vers les énergies renouvelables ou décarbonées. En 2020, l’éolien et les énergies solaires dépassent pour la première fois les énergies fossiles en Europe. Avec une part de 38 % (contre 37 % pour le fossile), elles prennent la pôle position dans la production électrique. Néanmoins, au niveau mondial, jamais n’aura brûlé autant de pétrole, de gaz et de charbon, en dépit du fait que les émissions de gaz à effet de serre de ces trois combustibles sont la cause principale du réchauffement du climat. Le pétrole, le gaz naturel et le charbon représentent encore 80 % de la consommation énergétique mondiale, tandis que le renouvelable, le nucléaire et la biomasse décrochent péniblement les 20 % restants (source EIA). On le sait maintenant, ces ressources sont loin d’être inépuisables, si la consommation d’énergies fossiles se poursuit sur le même rythme qu’aujourd’hui, l’or noir risque de disparaître totalement d’ici à 54 ans, le gaz pourrait s’évaporer dans les années 2080, et le charbon sera introuvable dans 112 ans. D’autant que la demande énergétique de pays en développement comme l’Inde et la Chine, dont les populations ne cessent de croître, monte en flèche.
Les autres activités anthropiques qui réchauffent la planète
La grande majorité des activités humaines responsables d’émissions de gaz à effet de serre sont liées à l’extraction et à l’exploitation des énergies fossiles. Cependant, il est important de noter que d’autres actions exécutées par l’Homme perturbent le système climatique. La déforestation massive en est aussi l’une des causes reconnues. On sait que les arbres ont la capacité d’absorber le carbone, il joue donc un rôle important dans la régulation du taux de CO2 dans l’atmosphère. En détruisant des forêts entières, l’Homme d’une part prive la planète de puits de carbone importants, et provoque d’autre part un processus de libération du CO2 absorbé (selon des temporalités différentes et selon l’utilisation) pour chaque arbre coupé.
Le CO2 n’est pas le seul gaz à effet de serre. L’émission de méthane et de protoxyde d’azote participe également à la déstabilisation des composants de l’atmosphère.
Concernant le méthane, il est principalement émis par notre usage des énergies fossiles, mais aussi par l’élevage intensif d’animaux (ovins et bovins) qui, lors de leur digestion, produisent ce gaz (CH4), 25 à 30 fois plus réchauffant que le CO2. .
La riziculture est également une activité anthropique très polluante, la manière d’exploiter les rizières provoque des émissions de méthane et de protoxyde d’azote.
Le protoxyde d’azote (N2O), lui, a une puissance de production de chaleur 300 fois supérieure au CO2. Un vrai danger pour le climat puisque ses émissions sont en augmentation, elles proviennent surtout de la production et l’utilisation massive d’engrais azotés pour augmenter les rendements des terres cultivées.
Nous avons égrené les principales causes du réchauffement climatique et comment la recherche scientifique a permis de comprendre que l’activité humaine portait une large part de responsabilité dans ce dérèglement. Nous arrivons maintenant sur ses conséquences, les impacts immédiats et futurs sur notre environnement et nos conditions de vie. Nous allons aussi revenir sur l’histoire de la prise de conscience politique de cette problématique climatique qui concerne l’ensemble de la population mondiale.
Dérèglement climatique : impact sur nos conditions de vie et prise de conscience politique
Si le réchauffement climatique n’est pas ressenti de la même manière partout dans le monde (les pôles se réchauffent plus rapidement par exemple), il est indéniable que ses effets ont déjà commencé à modifier le visage de la planète, et certaines de nos habitudes. La mesure des températures depuis le milieu du XIXe montre que la moyenne globale s’est élevée de pratiquement 1°, en moins de 200 ans. Mais si nous passons la barre d’une augmentation de 1,5 °, ce qui risque d’arriver d’ici 2050, voire dès 2030, selon les prévisions du GIEC, à quoi doivent s’attendre les populations ? Quels sont les leviers politiques déjà mis en place et quelles actions sont menées pour freiner cette surchauffe et préserver nos conditions de vie ?
Problèmes géopolitiques à venir pour l’humanité : les effets de l’anthropocène
Dans notre chronologie historique (cf partie : Des années 90 à l’aube de l’an 2000 : l’impact de l’Homme sur la planète devient perceptible), nous avons évoqué l’apparition de la théorie de l’anthropocène au début des années 2000. Pour rappel, selon ses théoriciens, ce terme qualifierait plus justement l’ère géologique dans laquelle nous sommes actuellement, marquée par une activité anthropique si forte qu’elle perturbe le système climatique au-delà des variations de températures naturelles. On peut donc se demander quels sont les effets d’ores et déjà visibles de cette nouvelle ère anthropocénique.
Les impacts déjà visibles sur nos conditions de vie
Dans son ouvrage, Le changement climatique en 10 questions, l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise des Énergies. ) dresse le bilan des effets indésirables du dérèglement climatique déjà en cours actuellement. Malheureusement la liste des plaies du changement climatique ne cesse de s’agrandir, et prouve à quel point il est urgent d’agir.
Phénomènes météorologiques plus intenses et des saisons bouleversées
Sécheresse et canicule qui s’accentuent sur une partie de la planète, des pluies diluviennes inhabituelles de l’autre côté du globe, des ouragans, des tempêtes et autres cyclones qui deviennent plus fréquents,… l’augmentation de la fréquence et de l’ampleur de ces événements météorologiques font partie des signes tangibles des changements qui s’opèrent dans notre système climatique. « La circulation des masses d’air est perturbée par le réchauffement global qui modifie le régime des vents et le climat à l’échelle de régions entières », explique l’ADEME.
La hausse de la température de la Terre modifie aussi le cycle des saisons. L’été se prolonge et les autres saisons, printemps, automne et hiver se raccourcissent. En l’espace d’une soixantaine d’années, la durée de l’été a augmenté de 17 jours dans le monde. Cela ne paraît pas si grave dit comme cela, on pourrait même penser que le prolongement de la belle saison est une bonne nouvelle. En vérité, les conséquences pour l’Homme et son environnement sont très inquiétantes, nous le verrons un peu loin.
Quels sont les effets du changement climatique sur l’environnement ?
Faune, flore, sur la terre comme sous la mer, les dérèglements climatiques font déjà de nombreux dégâts.
La faune et la flore terrienne en souffrance
Avec ces saisons plus chaudes et complètement décalées, les animaux comme les végétaux ont du mal à s’y retrouver. Les espèces animales plus sensibles à la transformation de leur milieu par la hausse des températures entreprennent des migrations pour retrouver un climat tempéré, d’autres encore plus fragilisées disparaissent complètement. Au contraire, des espèces adaptées aux climats chauds s’implantent dans des zones inhabituelles. Ces déplacements et disparitions d’animaux provoqués par le réchauffement climatique et les conséquences sur leurs milieux, mettent en péril les écosystèmes de la planète.
Des phénomènes anormaux s’observent également sur la flore, certaines fleurs bourgeonnent trop vite – les rendant plus vulnérables au gel tardif – ou des fruits mûrissent trop tôt pour la saison. Les forêts sont également impactés par le décalage des saisons (les arbres perdent leurs feuilles plus tard, l’automne arrivant plus tardivement), mais aussi par les événements climatiques extrêmes qui les détruisent de plus en plus fréquemment (incendies à cause de la sécheresse, tempête violente, etc.). Le réchauffement climatique vient donc s’ajouter à la destruction directe de la nature par l’Homme (déforestation entre autres) et compromet son équilibre déjà plus que bancal.
Les océans deviennent inhospitaliers et grignotent les côtes terrestres
Du côté des mers, les océanographes constatent eux aussi des bouleversements provoqués par le réchauffement du climat. Deux grandes problématiques se dégagent : d’une part le niveau de l’océan qui monte et d’autre part son acidification.
La montée des eaux océaniques résulte d’une réaction en chaîne : la hausse globale des températures fait fondre les étendues de glace continentale, un volume d’eau supplémentaire se libère qui, logiquement, élève le niveau de la mer. On comprend ainsi le rôle primordial joué par la cryosphère. Cependant, la fonte des glaciers d’eau de mer, iceberg et banquise, n’influence pas le niveau des océans (il s’agit de la fameuse “poussée d’Archimède”). L’autre cause de cette montée de l’océan est le réchauffement de la température de l’eau (toujours provoqué par la hausse des températures). Plus l’eau est chaude, plus elle devient volumineuse.
Qui dit montée des eaux, dit forcément la disparition de côtes terrestres. D’après le GIEC, les océans se sont élevés de 18 cm en moyenne entre 1870 et 2000, les océanographes observent une augmentation du niveau de la mer de 3,2 mm par an, et ce rythme s’accélère. Les prévisions du GIEC sont donc pessimistes, elles annoncent une augmentation de 82 cm en 2100.
Par ailleurs, l’océan étant un formidable puits de carbone, il fixe le CO2 à s’en acidifier et à s’en saturer, car même lui a ses limites. Cette acidification s’ajoute à la baisse en oxygénation (une eau plus chaude est moins riche en oxygène) et a pour conséquence le déplacement ou la disparition de certaines espèces marines et de chaînes alimentaires structurantes. On s’inquiète notamment de la raréfaction de coraux ou encore de mollusques. De même que la nature sur Terre, l’écosystème marin se retrouve totalement déstabilisé par l’effet de serre, et l’océan devient de moins en moins accueillant pour le vivant.
Les conséquences déjà palpables pour l’humain
Le constat est sans appel, le dérèglement climatique impacte notre environnement, ce qui a déjà des conséquences sur les conditions de vie humaines.
Les évènements climatiques extrêmes, un danger direct pour la vie humaine
La formulation est directe et peut paraître choquante, mais c’est un fait avéré qui fait partie de notre réalité : le réchauffement climatique tue. Cette augmentation globale des températures induit une météo plus intense avec un accroissement du nombre d’événements météorologiques dangereux. Les canicules et vagues de chaleur plus fréquentes sont une conséquence évidente et directe qui touchent particulièrement les populations les plus fragiles. On se souvient de l’épisode caniculaire qui a frappé l’Europe en 2003, provoquant le décès de près de 20 000 personnes en France, et plus de 70 000 en Europe (Source : Inserm). Cette chaleur accrue induit des sécheresses, conditions favorables aux incendies, qui outre le fait d’éradiquer la faune et la flore, sont un danger pour les vies humaines. En Australie, les feux sont monnaie courante, mais en 2019-2020, ils ont duré des mois, tuant plus de 3 milliards d’animaux et 30 habitants de la zone en proie aux flammes.
Les vagues de chaleur constatées dès le début de l’été 2021 en Russie, aux Etats-Unis et au Canada, sont également responsables de nombreux incendies dans ces trois pays. La température au sol est montée jusqu’à 48°C en Sibérie, qui habituellement se fait davantage remarquer pour sa météo glaciale. Dans les régions du nord-ouest des Etats-Unis et à l’ouest du Canada, ce « dôme de chaleur » exceptionnel a provoqué des centaines de morts.
Les catastrophes naturelles, qu’elles viennent du ciel ou de la terre, (tsunami, ouragan, cyclone, typhon, séisme…), sont également beaucoup plus courantes depuis quelques décennies, et sont la cause de centaines de millions de morts à travers la planète.
L’eau devient denrée rare
La crise climatique que nous vivons touche aussi une ressource essentielle à la vie humaine : l’eau. La raréfaction de l’eau est déjà visible dans des parties du monde. L’eau douce devient de plus en plus difficile ou inégale d’accès, « en raison des modifications du régime des pluies, plus violentes mais plus rares, et de la fonte des glaciers alimentant les sources et les rivières. Les régions sèches ou subtropicales, mais aussi l’Europe, sont particulièrement concernées. », explique l’ADEME.
L’agriculture et les activités liées à la nature en première ligne
Agriculture, pêche, sylviculture… Tous les secteurs de l’activité humaine directement liés à la météo, la faune et la flore, sont impactés de plein fouet par la hausse des températures. Les saisons décalées changent les habitudes des agriculteurs, les événements climatiques détruisent les cultures, le manque d’eau et l’assèchement de la terre font baisser les rendements, sans parler des zones qui deviennent incultivables sur les côtes en raison de la montée des océans (augmentation du taux de salinité de la terre). En France, l’exemple le plus frappant donné par le GIEC concerne la filière viticole. La vigne est particulièrement sensible aux variations climatiques. Terre aride, manque d’eau, grêle, tempête, prolifération d’insectes ravageurs vecteurs de maladies, toutes ces calamités fragilisent les cépages, elles donnent un vin qui perd en qualité et qui devient de plus en plus rare.
Globalement, les difficultés de la filière agricole à cause de cette météo de plus en plus capricieuse font la Une des médias régulièrement. Au printemps 2021, la culture des fruits sur le sol français s’est fait surprendre par un bourgeonnement précoce et un gel de printemps. Plus de 50 % des récoltes fruitières ont disparu, allant jusqu’à 70 % de pertes pour certains fruits d’été. Une pénurie qui a frappé le secteur arboricole mais aussi le secteur industriel agroalimentaire (confiture, compote…). Les industriels engagés dans la valorisation du « made in France » (plus de 50 % d’entre eux), ont par ailleurs fait le choix de baisser leur production pour ne pas déroger à leurs principes.
Au-delà des côtes terrestres, les activités marines subissent également les effets du changement climatique. Comme nous l’avons évoqué, l’écosystème marin étant totalement déstabilisé, les zones de pêche sont elles-aussi modifiées : « on constate l’arrivée en mer du Nord d’espèces habituellement rencontrées dans des eaux plus chaudes (anchois, sardines…). Les espèces vivant dans les eaux froides (cabillaud, aiglefin, flétan…) migrent vers le nord. », précise l’ADEME. On peut ajouter que la raréfaction de certaines espèces entraîne des pertes de profit pour le secteur de la pêche.
Ce sont donc des filières entières de notre économie, concernant principalement l’alimentation, qui se voient dans l’obligation de se remettre en question pour s’adapter à tous ces changements provoqués par l’effet de serre.
Les dégâts matériels
Entre inondation, incendie, ou encore vent violent, les constructions humaines ont parfois bien du mal à tenir le choc. Les conséquences matérielles de ces évènements climatiques qui reviennent régulièrement, mais aussi les dangers pour la santé humaine liés à ces changements ont un coût, et la facture devient salée. L’Union Européenne rappelle ces chiffres : « Entre 1980 et 2011, les inondations ont touché plus de 5,5 millions de personnes et provoqué des pertes économiques directes s’élevant à plus de 90 milliards d’euros. », et cela ne concerne que les inondations…
Ces changements actuels sur nos conditions de vie ne sont que la partie immergée de l’iceberg, les prévisions des experts sur les risques encourus par les êtres humains, sont encore plus inquiétantes.
Les risques pour l’avenir de l’humanité
D’après les derniers rapports du GIEC, on sait que la barre des 1,5°C de hausse des températures ne doit pas être franchie, pourtant cette échéance fatidique, au lieu de reculer, semble se rapprocher, et pourrait provoquer des changements pérennes pour l’humanité d’ici 2050 (en partant d’un scénario optimiste). En se basant sur des modèles climatiques possibles, le GIEC sonne l’alarme sur les nombreuses problématiques à venir à l’horizon 2100.
Les migrations de populations
L’un des phénomènes à redouter prochainement par exemple – d’envergure mondiale – est l’augmentation des migrants climatiques due à l’élévation du niveau des mers. La montée des eaux a déjà fait disparaître plusieurs îles du pacifique, et tous les ans on constate l’érosion du littoral partout dans le monde. Au Ghana par exemple, toute la côte est concernée (1 à 2 mètres par an), mais dans certaines régions du pays, l’érosion est tellement importante que la mer gagne 17 mètres chaque année. Sur les côtes françaises, le phénomène est très visible aussi, en Vendée notamment, on voit les blockhaus de la Seconde Guerre mondiale s’effondrer ou être détruits, lorsque les dunes (grignotées par l’océan) ne peuvent plus les soutenir. Aux Etats-Unis, en Inde, en Chine, au Japon, en Indonésie, pour ne citer que quelques-uns des pays les plus menacés, les travaux effectués pour endiguer cette montée des eaux ne seront bientôt plus suffisants, et les inondations dans ces zones parfois très peuplées vont être de plus en plus nombreuses.
D’après une étude réalisée par la Banque Mondiale, d’ici 2050, si rien n’est fait pour réduire les gaz à effet de serre, on peut s’attendre à compter 143 millions de réfugiés climatiques qui vont devoir fuir des zones devenues invivables, soit parce qu’elles seront inondées ou, au contraire, totalement sèches. Si la température augmente de façon trop significative, de nombreuses régions situées dans l’hémisphère sud, vont devenir arides, donc incultivables et sans eau.
Famine, maladie, manque de ressource énergétique et tensions géopolitiques
L’eau ne sera pas la seule à finir par manquer. Les énergies fossiles qui sont, par définition, non renouvelables finiront par devenir de plus en plus rares ou difficiles d’accès. Certains pays qui vont se retrouver démunis de cette précieuse énergie pourraient entrer en conflit armé pour coloniser des zones encore en possession de pétrole, de gaz ou de charbon.
La diminution des terres cultivables, à cause de la sécheresse et de la montée des eaux, et la disparition d’espèces animales et végétales, provoqueront également la famine des populations les plus pauvres, ainsi qu’une augmentation des prix des denrées alimentaires dans les pays développés.
Le déplacement de certains animaux “vecteurs”, à cause de la hausse des températures, pourraient provoquer une recrudescence de maladies dangereuses pour l’Homme.
Manque de nourriture, d’eau, de ressources énergétiques, problèmes de santé publique, et flux migratoires sont des facteurs de tensions sociales, économiques et géopolitiques. Ces prévisions funestes émises par les experts du réchauffement climatique, font ressortir une idée fondamentale : l’Homme est dépendant de son environnement. En le détruisant à coup de gaz à effet de serre, il se détruit lui-même. Comment faire pour freiner la machine infernale ? Quelles solutions politiques ont déjà été envisagées hier, que faut-il faire aujourd’hui pour préserver nos acquis et aller vers un monde décarboné demain ?
La prise de conscience internationale et les outils de politiques publiques
La dimension globale et intergouvernementale a considérablement ralenti la prise de conscience de la problématique du réchauffement climatique. Pour sortir du déni et accepter la responsabilité de l’Homme, il aura fallu attendre les années 70.
Une prise de conscience politique tardive sur la crise climatique
En 1972, pour la première fois, l’ONU réunit les dirigeants des pays du monde à Stockholm autour de la thématique environnementale. Considérée comme le premier Sommet de la Terre, cette conférence permettra de lancer le « Programme des Nations Unies pour l’environnement. » Le réchauffement climatique commence à transcender le débat scientifique et s’invite en politique, mais cette prise de conscience sera gelée par la Guerre Froide, qui divise le monde en deux. Dans les années 80, le réchauffement climatique passe en arrière-plan, les tensions géopolitiques étant bien trop fortes pour mettre d’accord des pays au bord d’un conflit mondial. Le deuxième Sommet de la Terre en 1982 au Kenya sera d’ailleurs un coup d’épée dans l’eau.
Une avancée, suivie d’un recul des consciences, puis en 1987 la Norvégienne Gro Harlem Brundtland initie la rédaction d’un rapport posant les base des principes du « Développement Durable ». Ce rapport Brundtland nommé « Notre avenir à tous » fait aujourd’hui partie de l’Histoire des politiques écologiques. En donnant des pistes stratégiques à suivre pour faire coïncider « besoins du présent » et préservation des ressources pour les générations suivantes, le rapport Brundtland permet d’alimenter les discussions lors du Sommet de Rio en 1992. Une conférence considérée elle aussi comme un point historique fondateur des politiques environnementales mises en place jusqu’à aujourd’hui, puisqu’elle donne vie à la Convention-cadre des Nations Unis sur les changements climatiques (CCNUCC). 20 ans après le premier Sommet de la Terre en Suède, cette fois, les représentants de 178 pays décident d’un véritable plan d’action avec une vision à très long terme et des échéances à tenir pour enrayer le réchauffement du climat.
Du protocole de Kyoto aux Accords de Paris : les Etats s’engagent dans la lutte contre le climat
1997 : Le protocole de Kyoto
Suite au grand Sommet de Rio en 1992, des COP (Conférence des Parties) sont organisés tous les ans à partir de 1995, et réunissent les “Parties” signataires de la Convention cadre des Nations Unis. En 1997, pendant la COP 3 au Japon, 38 pays parmi les plus pollueurs du monde prennent un engagement concret : réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de plus de 5 % d’ici 2008-2012.
C’est la naissance du Protocole de Kyoto, qui entrera en vigueur en 2005. A l’époque, 141 pays ratifient cet accord international, mais les engagements ne sont pas les mêmes pour tous. Contrairement aux pays industrialisés qui doivent absolument réduire leurs émissions, les pays en voie de développement n’ont pas d’objectifs à tenir, ni de réels contraintes, ils doivent seulement faire état de leurs émissions. Gros points noirs à noter, les deux pays à l’origine de plus d’un tiers des gaz à effets de serre émis, Etats-Unis et Australie, refusent de s’engager. En 2011, un nouveau coup dur fait vaciller le protocole avec la défection du Canada. Si les 37 autres pays industriels tiennent (en grande partie) leurs engagements, l’impact est finalement minime face au développement fulgurant de pays comme la Chine ou l’Inde, et le non-engagement du trio Etats-Unis, Australie, Canada.
2015 : L’Accord de Paris
Dès 2009, la COP15 à Copenhague commence à tirer le bilan du Protocole de Kyoto et surtout à envisager l’après. Malgré de longues négociations, cette grande conférence n’aura pas le résultat escompté. Un nouvel accord sur le climat est signé, mais il reste très imparfait et surtout, les grands pays toujours réfractaires à de quelconques contraintes, restent sur leurs positions. Cette conférence, même si elle se retrouve synonyme d’échec, permettra de préparer le futur Accord de Paris, 6 ans plus tard.
Lors de la COP21 organisée dans la capitale française en 2015, les 196 “Parties” en présence sont enfin toutes d’accord pour ratifier un texte affichant une politique ambitieuse sur la lutte contre le réchauffement climatique. Il semblerait que, pour la première fois, l’ensemble des pays concernés comprennent l’urgence de faire machine arrière toute. Même les Etats-Unis, qui jusqu’ici avaient largement freiné toute possibilité d’accord global, acceptent cet accord contraignant. Le grand objectif qui ressort est de trouver des solutions pour ne pas dépasser les 1,5 °C de hausse des températures par rapport à l’époque précédent la Révolution Industrielle. Pour atteindre ce but, le texte prévoit une façon de procéder qui diffère totalement du protocole de Kyoto, avec des exigences mais aussi un vrai cadre pour aider chaque pays à initier sa transition écologique à leur manière et avec leur propre objectif chiffré. Le but n’est plus de promettre le bâton (pas de sanction) pour les pays qui ne tiendraient pas leur engagement, mais plutôt de les accompagner vers un objectif de neutralité carbone avec des outils concrets.
En 2020, la COP26 prévue en Ecosse devait permettre à tous les pays signataires de présenter leurs plans d’actions, mais la COVID-19 a chamboulé le calendrier, et cette fois encore le réchauffement climatique s’est vu mis de côté par les gouvernements, occupés à gérer la crise sanitaire et ses conséquences sur l’économie.
Les outils de politiques publiques pour freiner le réchauffement climatique
Les politiques publiques de lutte contre le réchauffement climatique découlent directement de l’Accord de Paris, même si la crise sanitaire a rebattu les cartes, quelles sont les lignes directrices données par le texte, et quel bilan peut-on faire depuis son entrée en vigueur le 4 novembre 2016 ?
Le cadre fourni par l’Accord de Paris
Tous les pays engagés par l’Accord de Paris à baisser leurs émissions carbone ne sont pas égaux en termes de développement. Pour réussir le pari de la neutralité carbone mondiale, le texte pose un cadre afin de créer une sorte de « solidarité climatique », les pays dit “riches” doivent donc soutenir les pays encore en fragilité.
- Le premier axe est financier : en signant l’accord de Paris, les pays industrialisés s’engagent à verser une aide pécuniaire aux autres États pour les aider dans leurs efforts d’atténuation (baisse des émissions carbone) et d’adaptation au changement du climat.
- Le deuxième axe est technologique : l’Accord de Paris fixe des lignes directrices sur les technologies qui fonctionnent et permettent la transition vers les énergies renouvelables et une nouvelle économie plus vertueuse.
- Enfin le troisième axe porte sur le « renforcement des capacités » : il s’agit de donner les moyens aux institutions de chaque pays de s’organiser pour la mise en place effective des mesures de lutte contre le réchauffement climatique.
En résumé, l’Accord de Paris permet à tous les pays de mener leur propre politique environnementale en leur fournissant un système permettant de gommer en partie les inégalités entre chaque pays, qu’elles soient d’ordre financière, technologique ou encore organisationnelle (ou institutionnelle), et ainsi faire face aux enjeux du réchauffement climatique.
Le bilan après 5 ans de politique environnementale
La crise sanitaire a repoussé la COP26 qui devait se tenir en 2020 et qui aura finalement lieu en novembre 2021 à Glasgow. Cette prochaine convention est déterminante. Elle va permettre de jauger si les efforts de la communauté internationale seront suffisants pour atteindre l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050. Pour l’instant, le bilan est plus que mitigé selon le rapport de la CCNUCC : « Les gouvernements sont loin d’avoir atteint le niveau d’ambition nécessaire pour limiter le changement climatique à 1,5 degré et atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. »
Des politiques environnementales encore trop timorées
Malgré des outils comme la tarification du carbone décidée dans certains Etats afin de pousser les industriels (et autres grands émetteurs de gaz à effet de serre) à se tourner vers les énergies vertes, l’abandon progressif des énergies fossiles est très lent. Pire, la moitié des pays du G20 parmi les plus consommateurs d’énergies fossiles, ont augmenté significativement leur utilisation de pétrole, gaz et charbon depuis 2015. Les Etats-Unis, qui sous la présidence de Donald Trump (2017-2021) ont basculé du côté des climato-sceptiques, font partie des pays montrés du doigt par la CCNUCC.
En revanche, l’Union Européenne s’est réellement engagée sur la voie des énergies renouvelables. L’Europe tente de tenir ses engagements, notamment en contribuant largement au financement international de l’action climatique. Même si la baisse des émissions de carbone en 2020 (- 10 % par rapport à 2019 selon eurostat) est largement imputable aux différents confinements qui ont paralisé les pays, il est à noter que l’UE avait déjà réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 23 % entre 1990 et 2017. Comme nous l’avons vu, les énergies renouvelables commencent à s’imposer doucement en Europe, mais malheureusement la transition est encore trop longue pour freiner la hausse des températures, surtout si d’autres pays du monde rament à contre-courant.
COP26 : Un fossé sépare les alertes scientifiques et les décisions politiques
Les premières données du sixième rapport du GIEC dévoilées en août 2021 avaient donné le ton sur l’importance de la COP26 qui s’est tenue à Glasgow en novembre 2021. Encore englués dans la gestion de la crise sanitaire et économique liée à la pandémie Covid-19, la COP26 s’est finalement révélée assez décevante du point de vue des décisions politiques. L’accord signé à la fin du sommet est encore bien insuffisant pour espérer rester en dessous d’une hausse de 1,5°C de la température mondiale et souligne à quel point les intérêts politiques et économiques des 197 pays signataires ont pesé sur les négociations. Antonio Guterres, le Secrétaire Général de l’ONU a pourtant insisté sur l’urgence climatique qui nous guette et à plaider pour l’arrêt des subventions aux combustibles fossiles, l’élimination progressive du charbon ou encore la protection des populations vulnérables face aux changements du climat. « Nous n’avons pas atteint ces objectifs lors de cette conférence, a reconnu Antonio Guterres, avant d’ajouter, mais nous avons des éléments de base pour progresser ». Un nouveau bilan sur les progrès de chaque pays sera donc à faire en 2022 lors de la COP27 en Egypte.
Si tout le monde fait sa part…
Passée, présente et future, l’histoire scientifique révèle à travers le temps que les variations naturelles du climat n’expliquent pas complètement le réchauffement climatique actuel. On constate en revanche que l’Homme est bien l’élément perturbateur. Les activités anthropiques sont effectivement responsables de ce dérèglement climatique et de tous ses effets indésirables. Les entités politiques ont souvent traité l’urgence climatique comme une problématique de second plan, encore dernièrement avec la crise sanitaire en 2020.
« Le “schisme de réalité” est une expression du sociologue Stefan Aykut et de la mathématicienne et historienne des sciences Amy Dahan désignant le décalage complet entre l’état du débat politique et des négociations internationales concernant le changement climatique – qui tend à le considérer en silo comme un problème strictement environnemental – et l’état des connaissances qui démontre en quoi ce sujet implique nécessairement une profonde remise en cause des fondements économiques et organisationnels de nos sociétés. » (Source : Atlas de l’Anthropocène)
Pour autant, des outils se mettent en place, de nouveaux marchés économiques favorisent la baisse des émissions de CO2 au niveau global, comme par exemple, la Contribution à la neutralité carbone mondiale. Les innovations sur les énergies renouvelables semblent être davantage soutenues par les Etats. L’UE s’impose peu à peu comme le chef de file de cette lutte contre le réchauffement climatique. Aujourd’hui, des Etats jusqu’alors frileux à l’idée de se défaire des énergies fossiles, semblent prendre enfin le chemin vertueux de la neutralité carbone.
Mais l’écologie n’est plus seulement l’affaire des dirigeants politiques, les dérèglements du climat préoccupent à tous les niveaux, de l’industriel qui cherche à réduire son bilan carbone, au particulier qui s’inquiète de l’état dans lequel il laissera la planète à ses enfants.
“Notre génération est la première à faire l’expérience des effets du changement climatique et la dernière à pouvoir résoudre le problème. C’est à la fois une terrible responsabilité vis-à-vis des générations futures et une formidable opportunité.” Source : Atlas de l’Anthropocène
À l’image du colibri tentant seul d’éteindre un feu de forêt avec quelques gouttes d’eau, si chacun fait sa part, si chaque pays, entreprise, particulier montre l’exemple, alors il se pourrait qu’on parvienne à préserver nos conditions de vie tout en respectant les limites de notre planète.
Sources :
https://fr.calameo.com/read/004599499ce6b6175b221?view=book&page=1 (Le changement climatique en 10 questions, ADEME)