Le journal Le Parisien a révélé que le Gouvernement de François Bayrou comptait mettre un bon coup de rabot de 700 millions d’euros au budget consacré aux aides à la rénovation MaPrimeRénov’. L’occasion de rappeler que la rénovation énergétique des logements est pourtant un levier extrêmement important pour la réduction de l’empreinte carbone de la France, mais pas que... la santé publique est aussi en jeu !
Une étude publiée1 en mars 2022 par France Stratégie met en lumière les bénéfices significatifs pour la santé de la rénovation énergétique des logements. Cette analyse, fruit d’un travail collaboratif entre médecins, économistes et acteurs de la lutte contre la précarité énergétique, révèle l’impact considérable des “passoires thermiques” sur la santé des occupants, en particulier les ménages à faible revenu.
MaPrimeRénov’ dans le collimateur du Gouvernement pour 2025
En 2024 déjà, le dispositif MaPrimeRénov’ avait subi une forte baisse de ses crédits, avec une division quasi par deux de son budget de 4,5 milliards d’euros, pour arriver à 2,3 milliards. Principale aide à la rénovation (avec les CEE), MaPrimeRénov’ pourrait encore essuyer une baisse significative de son budget en passant à seulement 1,6 milliard d’euros en 2025.2
« La rénovation énergétique ne peut être la variable d’ajustement du budget de l’État et doit être considérée comme un investissement sur le temps long, avec un horizon et des objectifs annuels associés à des moyens stables et ambitieux. », commente Pierre-Marie Perrin Directeur des affaires publiques de Hellio.3
Outre la baisse du budget, toujours d’après Le Parisien, le Gouvernement souhaiterait aussi changer les règles des aides à la rénovation énergétique des logements. Les mono-gestes, (les projets qui se concentrent sur un seul type de travaux, par exemple l’isolation ou le remplacement de systèmes de chauffage) sortiraient du dispositif MaPrimeRénov’ et glisseraient vers les CEE (Certificat d’Economie d’Energie). Un changement d’articulation possible qui permettrait certes de compenser le budget réduit de MaPrimeRénov’ mais qui demanderait une vraie stratégie pour se mettre en place correctement selon Pierre-Marie Perrin : « Une telle refonte prend nécessairement du temps et doit être calibrée au mieux pour ne pas subir le goulet d’étranglement subi par la filière lors de la réforme de MaPrimeRenov’ du 1er janvier 2024. Cette refonte pourrait s’envisager dans le cadre de la préparation de la 6e période du dispositif des CEE censée débuter en 2026. »
Les aides de MaPrimeRénov’ distribuées par l’Anah seraient donc consacrées seulement aux rénovations d’ampleur qui conjuguent plusieurs types de travaux. Ce type de rénovations verrait tout de même son financement baisser.
Une rabotage contre-productif ?
Si des économies doivent être trouvées dans le budget l’État, est-ce que sabrer les aides aux rénovations énergétiques des logements est un bon calcul sur le long terme ?
Le Groupement des professionnels des Certificats d’Économies d’Énergie (GPCEE) répond avec un grand non à cette question. Pour sa présidente Florence Lievyn : « La rénovation énergétique est l’une des rares politiques pouvant tout à la fois réduire la facture des Français – a fortiori des plus modestes -, décarboner le secteur du bâtiment et adapter nos logements aux enjeux climatiques de demain, tout en diminuant nos dépenses de santé publique. »4
Le rapport2 du groupe de travail : CGDD, France Stratégie, SGPI sorti en 2022, « Évaluation socio-économique des effets de santé des projets d’investissement public » confirme la vision de Florence Lievyn sur les bénéfices qu’auraient la rénovation énergétique sur la santé publique. L’étude identifie environ 1,3 million de logements en France (4,6% du parc) comme présentant un risque sanitaire significatif dû à leur inefficacité énergétique. Ces habitations, principalement classées F ou G selon le diagnostic de performance énergétique (DPE), exposent en effet leurs occupants à des températures intérieures trop basses, source de problèmes de santé potentiellement graves.
Dans ces logements énergivores, la probabilité qu’un occupant souffre d’un problème de santé dans l’année est estimée à 1/18. Les pathologies déclenchées à cause de ces températures froides vont des infections respiratoires aux syndromes coronariens aigus, avec un risque de mortalité non négligeable. Ce risque s’accentue pour les ménages les plus précaires, atteignant une probabilité de 1/4 pour ceux vivant sous le seuil de pauvreté.
Évidemment, plus les gens tombent malade et plus le trou de la sécurité sociale se creuse. L’étude chiffre le coût moyen annuel pour la société à 7500 € par logement très énergivore, en le décomposant ainsi :
- 400 € de dépenses de santé
- 1400 € de perte de bien-être
- 5700 € liés au risque de mortalité
La rénovation est précisément la solution à ce problème sanitaire
Une rénovation énergétique ambitieuse, permettant d’atteindre au moins l’étiquette C du DPE, éliminerait complètement ce risque sanitaire et les coûts liés. En revanche, une rénovation partielle, laissant le logement à un niveau de consommation proche de 300 kWh/m²/an, laisserait encore 20 % de chance qu’une maladie survienne pour ses habitants. Appliqué à l’objectif français de rénover l’ensemble des passoires énergétiques d’ici 2028, l’étude estime des bénéfices annuels considérables :
- 525 millions d’euros d’économies pour la sécurité sociale
- 1,7 milliard d’euros de gain en bien-être
- 7,4 milliards d’euros de coût social de mortalité évité (équivalent à 2200 décès évités)
Les auteurs de l’étude soulignent que ces estimations sont en dessous de la réalité, car elles n’incluent pas certains aspects comme la santé mentale ou les coûts indirects tels que les pertes d’apprentissage. Ils appellent à des études plus approfondies, notamment en croisant les données sur la performance énergétique des logements, les revenus des ménages et les risques sanitaires.
Il paraît donc évident qu’il y a urgence d’agir sur la rénovation énergétique des logements, non seulement pour des raisons environnementales, mais aussi pour des raisons de santé publique. Cette étude – publiée en 2022 pour rappel – est donc totalement a contrario de la politique envisagée par le Gouvernement actuel qui compte réduire les aides à la rénovation, alors qu’il serait plus judicieux d’accélérer les programmes de rénovation au vu des bénéfices multiples pour la société dans son ensemble.
Sources :