De la Stratégie française sur l'énergie et le climat (SFEC) au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne (MACF), Capitaine Carbone revient sur les événements, lois, dispositifs de 2023. L’occasion de faire le point sur les différents enjeux de la lutte contre le dérèglement climatique.
2023 : l’année test pour la taxe carbone aux frontières
L’Union européenne a approuvé vendredi dernier la mise en place d’une « taxe carbone » aux frontières visant à décarboner et soutenir l’industrie européenne. Cette mesure représente l’un des éléments clé des propositions du paquet « fit for 55 ». Elle intervient après que l’UE ait réaffirmé lors de la COP27 ses ambitions de neutralité carbone en atteignant non plus 55, mais 57 % de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2030.
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) ou Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM) en anglais, aura pour objectif d’inciter les différents partenaires commerciaux de l’UE à s’aligner sur ses politiques environnementales. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une taxe à proprement parlé, cette mesure prévoit de faire payer aux importateurs la différence entre le prix du carbone payé dans le pays de production et le prix du carbone établi dans l’Union européenne.
Dans un premier temps, le dispositif concernera les secteurs industriels les plus polluants comme celui de l’acier, de l’aluminium, de l’engrais, du ciment, de l’hydrogène ou encore de l’électricité.1 Ainsi, 60% des émissions du secteur industriel de l’Europe seront concernées. Conçu pour fonctionner parallèlement au système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE de l’UE), le MACF et ses premiers achats de certificats pourront être exigés en 2026 avec un élargissement des secteurs concernés. Pourtant, dès octobre 2023, une période test débutera durant laquelle les entreprises importatrices devront déclarer, sans devoir payer des ajustements, les émissions de GES intégrées dans leurs marchandises.2
Pour en savoir plus sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/qanda_21_3661
L’élaboration de la future Stratégie française sur l’énergie et le climat
Mise en place dès juillet prochain, la Stratégie française sur l’énergie et le climat (SFEC) représentera l’ensemble des politiques de l’État pour adresser les questions d’énergie et de climat au sein même de la société française. Son rôle sera d’amener le pays à la neutralité carbone en 2050, tel que le prévoit l’Union européenne. Du point de vue des entreprises, la SFEC veillera à mettre en place des mesures d’accompagnement adaptées pour qu’elles puissent évoluer dans un contexte géopolitique incertain instauré notamment par le réchauffement climatique. Élaborée en concertation avec la population depuis novembre 2021, cette prochaine feuille de route collective sera constituée :
- de la loi de programmation énergie-climat (LPEC),
- de la 3e Stratégie nationale bas carbone (SNBC),
Le premier semestre de 2023 sera destiné à élaborer et adopter cette toute première loi de programmation énergie-climat (LPEC). Déclinée à travers la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) son rôle sera de fixer les priorités d’action de la politique climatique et énergétique nationale. À l’issue de l’adoption de cette Loi, le deuxième semestre de l’année sera consacré à organiser les premières concertations quant à la mise à jour de la SNBC, PPE et du PNACC.
BEGES : l’élargissement au scope 3 rendu obligatoire pour les grandes entreprises
Comme évoqué le 11 août dernier dans notre article Le nouveau décret BEGES ajoute le scope 3 au bilan carbone réglementaire des entreprises, le ministère de la Transition énergétique souhaite rehausser les ambitions des structures privées et publiques en matière de comptabilisation de leurs émissions de gaz à effet de serre. Dès le 1er janvier 2023, toutes les entreprises de plus de 500 employés seront obligées, dans la mesure de leur empreinte carbone, de prendre en compte les émissions relatives au scope 3 à savoir toutes les émissions indirectes induites en amont (fournisseurs) et en aval (usage des produits).
Malgré l’augmentation du champ d’application de l’inventaire CO2, le nouveau décret BEGES reste encore perfectible. Par exemple, les TPE et PME ne sont pas encore incluses dans cette extension du périmètre d’émission. Pourtant, ces petites et moyennes structures représentent un poids non-négligeable dans la balance climatique puisque selon le Conseil Économique, Social et Environnemental elles affichent entre 12 et 14% des émissions des entreprises françaises.3 Heureusement, certaines de ces petites entreprises n’hésitent pas à prendre les devants et publient leur bilan carbone de manière volontaire.
En 2023, on ne dit plus « neutre en carbone »
Suite au décret relatif à la compensation carbone et aux allégations de neutralité carbone dans la publicité signé le 14 avril dernier, la loi encadrera toutes allégations de neutralité carbone.
L’objectif de cette mesure sera d’éviter tout greenwashing et d’éclaircir l’esprit des consommateurs afin d’aligner les propos tenus au sein des supports publicitaires avec ceux de la communauté scientifique. Il important de rappeler, qu’une entreprise seule ne peut atteindre la neutralité carbone. Quelle que soit sa taille, l’échelle est bien trop petite pour contrebalancer les effets du réchauffement atmosphérique liés aux émissions de GES. C’est pourquoi, ce n’est qu’à l’échelle mondiale qu’il est pertinent de parler de neutralité carbone. En revanche, il est possible de communiquer sur le fait qu’une entreprise qui réduit et compense ses émissions contribue à cet effort collectif qu’est la neutralité carbone.
À tout point de vue, 2023 sera une année charnière dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’élaboration de la future Stratégie française sur l’énergie et le climat représente une étape cruciale dans la contribution de la France à la neutralité carbone. De son côté, l’UE profitera de cette année pour mettre en place ce qui pourrait être son instrument d’incitation le plus efficace vis-à-vis de ses partenaires commerciaux. La « taxe carbone » aux frontières pourrait ainsi convaincre de nombreux pays à adopter des politiques climatiques similaires au vieux continent et développer par la même occasion des échanges commerciaux plus responsables. Enfin, les entreprises devront, dès janvier prochain, avoir une vision complète de leur empreinte climatique et éviter de divulguer de fausses allégations relatives à la soi-disante « neutralité carbone » de leurs produits et/ou services.
Sources :