Project Vesta est une organisation non-gouvernementale américaine fondée en 2019 par son PDG Tom Green. L’ONG développe depuis deux ans un projet de séquestration de carbone d’un nouveau genre qui repose sur l’utilisation de l’olivine en milieu marin. Ce minéral possède un fort potentiel de séquestration de CO2 lorsqu’il est au contact de l’eau. Grâce à l’accélération du processus naturel d’altération de l’olivine, Project Vesta espère avoir trouvé une solution radicale et pérenne à même de capturer et d’emprisonner de manière définitive de grandes quantités de CO2 atmosphérique au fond des océans. L’ambition de l’ONG est clairement définie : réussir à terme à capturer l’ensemble des émissions annuelles de dioxyde de carbone d’origine anthropique.
L’olivine est un minéral du groupe des silicates qui se forme lors d’éruptions volcaniques. Comme tous les autres minéraux, il est sujet à un processus d’altération, c’est-à-dire à la modification de ses propriétés physico-chimiques au contact d’agents atmosphériques ou de l’eau. Ce processus naturel de décomposition et de dissolution des roches s’étend généralement sur un laps de temps très long, et permet notamment, lorsque les minéraux se dissolvent dans l’eau, de capturer du dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère. L’altération forcée n’est donc rien d’autre qu’une solution de géo-ingénierie qui consiste en l’accélération de ce processus naturel. Le choix de l’olivine par Project Vesta se justifie par le fait que ce minéral est une ressource disponible en abondance sur Terre, en plus de posséder l’un des processus d’altération les plus rapides.
La mise en pratique du processus
Le procédé actuellement testé par Project Vesta peut être résumé de la manière suivante : l’olivine est dans un premier temps acheminé massivement sur les plages sous forme de sable très fin. Le mouvement des vagues fait ensuite s’entrechoquer les grains d’olivine entre eux pour créer une poudre. Cette poudre verte réagit par la suite au contact de l’eau, réaction qui altère sa structure moléculaire. Le minéral attire ainsi les ions H+ de l’acide carbonique H2CO3 (qui se forme lorsque le CO2 présent dans l’atmosphère se dissout dans l’eau) pour constituer du bicarbonate HCO3–. Ce bicarbonate transformé alors en carbonate est combiné, conjointement avec le calcium marin, afin de créer du carbonate de calcium utilisé par des organismes « calcificateurs » comme les coraux pour se constituer un squelette. Le magnésium et le silicate, produits de l’altération de l’olivine, servent eux à des diatomées, des micro-algues unicellulaires, pour créer leur squelette siliceux. À la mort de l’ensemble de cette faune marine, le CO2 sous forme de sédiments solides de calcaire ainsi que le silicate sont stockés de façon permanente sur le plancher océanique1. En plus de l’absorption et de l’emprisonnement de grandes quantités de CO2 atmosphériques au fond des océans, la solution mise en avant par Project Vesta possède l’avantage de participer à la réduction de l’acidification des mers. Grâce aux composés alcalins produits par l’altération forcée de l’olivine, ce procédé qui participe au réchauffement de la planète est lui aussi endigué. Malgré ses qualités, le processus mis en avant par la start-up américaine ne fait cependant pas entièrement consensus. Premièrement, l’extraction et l’acheminement de l’olivine supposent de mettre en place une logistique assez contraignante. De plus, la dissolution massive de silicate et d’autres minéraux dans les océans pourrait affecter l’écosystème marin, en favorisant la prolifération de phytoplancton qui crée des zones d’anoxie (sans oxygène).
Schéma de l’altération de l’olivine dans l’eau.
Une méthodologie au service d’un projet ambitieux
Project Vesta s’est donné plusieurs buts à atteindre afin de crédibiliser sa démarche. L’ONG a déjà réussi à prouver que l’altération forcée était un procédé qui marchait en laboratoire. Le deuxième objectif consiste aujourd’hui à confronter cette méthode à un environnement ouvert, afin d’expérimenter dans des conditions réelles, bien que restreintes, l’efficacité de leur puits de carbone océanique. La start-up a ainsi réussi à lever 1,5 million de dollars pour réaliser un test grandeur nature, et deux plages situées dans les Caraïbes ont été choisies pour accueillir le projet. Kelly Erhart, co-fondatrice de Project Vesta, explique que pour chaque tonne d’olivine qui s’érodera sur le littoral caribéen, jusqu’à une tonne de dioxyde de carbone pourra être captée dans l’atmosphère et emprisonnée au fond de l’océan2. Selon l’organisation, le déploiement du dispositif sur seulement 2% des littoraux mondiaux pourrait permettre de capturer l’ensemble des émissions annuelles de CO2 d’origine anthropique. Tom Green précise que du succès des tests actuels dépendra la possibilité de répéter les expérimentations et de déployer cette solution au niveau mondial3. L’ONG compte maintenant sur la contribution extérieure de partenaires financiers pour l’aider à mener ce projet jusqu’à son terme, et constituer potentiellement le grain de sable qui permettra d’enrayer la machine infernale du réchauffement climatique.
Sources :