COP 26 : un bilan global mitigé mais un rôle renforcé du secteur privé
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COP 26 : un bilan global mitigé mais un rôle renforcé du secteur privé

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La 26ème conférence des parties s’est conclue sur un pacte final inégal, trop peu contraignant sur la sortie des énergies fossiles et retardant les discussions sur certains enjeux, comme l’aide financière accordée aux pays pauvres. Des progrès ont été faits en revanche au niveau de la clarification des marchés carbone et sur la reconnaissance du secteur privé comme acteur essentiel des négociations climatiques.

La sortie du modèle énergétique dominant, principalement basé sur les ressources fossiles représentait l’un des enjeux majeurs de cette COP26. Plusieurs engagements ont été pris en ce sens tout au long de ces deux semaines de conférence, avec un résultat en demi-teinte. Parmi les initiatives qui sont nées à Glasgow, la création de la BOGA (Beyond Oil and Gas Alliance) est très certainement l’une des plus significatives. Même si les objectifs de cette coalition réunissant douze États et régions (dont la France) sont multiples, le but principal affiché par ses membres reste l’établissement d’une date de fin des activités d’exploration et d’extraction de pétrole et de gaz, une échéance encore à déterminer. D’autres engagements sont venus rejoindre la BOGA dans ses ambitions. Une vingtaine de pays ont ainsi annoncé vouloir mettre fin aux financements publics internationaux de projets d’exploitation de charbon, de pétrole et de gaz sans techniques de capture de carbone d’ici fin 2022. La France, réticente au départ, a finalement rejoint l’accord en toute fin de sommet. Quarante nations ont également formulé un pacte visant à abandonner le charbon d’ici à 2030 pour les pays riches et 2040 pour les pays en développement. Bien que ces diverses annonces aient été dans l’ensemble saluées, beaucoup d’observateurs ont pointé du doigt l’absence de délégations comme les États-Unis, l’Australie ou le Japon des négociations sur l’utilisation du charbon, alors même que ces nations en sont les principaux acteurs mondiaux. Le discours global des parties présents en Écosse sur le recours aux énergies fossiles peut donc être résumé ainsi : inhiber plutôt que supprimer. Un sous traitement global pour un enjeu majeur (les énergies fossiles sont responsable de 70% des émissions mondiales de CO21) dont l’un des symboles est inscrit directement dans le texte final de la COP, baptisé « Pacte de Glasgow pour le climat ». Le document a connu plusieurs modifications, dont la plus édifiante reste le changement de sémantique au moment de la mention des énergies fossiles (qui reste tout de même une première dans le texte final d’une conférence des parties). On y parle ainsi de « réduction » de l’utilisation des ressources fossiles, plutôt que de « sortie » comme mentionnée dans la première version du Pacte. Cette révision, faite à la demande de la Chine et de l’Inde, a ému aux larmes le président de la COP26 qui s’est dit « profondément désolé » de cette nouvelle formulation. 

Des contributions nationales encore insuffisantes 

Dès le début des pourparlers, l’Inde avait pourtant annoncé vouloir atteindre la neutralité carbone d’ici 2070, rehaussant ainsi ses ambitions climatiques. 112 États sur les quelques 200 délégations présentes à Glasgow ont également mis à jour leurs contributions nationales. Ces nouvelles promesses des leaders politiques en matière de réduction des émissions étaient très attendues, notamment par l’ONU. L’Organisation des Nations Unies avait en effet déploré que les efforts internationaux pris avant la COP26 mèneraient à un réchauffement catastrophique de 2,7°C d’ici la fin du siècle. Loin de satisfaire complètement les objectifs de l’Accord de Paris, le pacte final de la dernière conférence des parties prévoit cependant l’accélération du calendrier des nouveaux engagements de réduction des GES. Les États devront désormais établir de nouveaux objectifs de diminution tous les ans, au lieu des cinq années qui leur étaient jusque là accordées. Des futurs engagements qui, au regard des chiffres actuels, seront absolument nécessaires au maintien du cap +1,5°C . Les Nations Unies estiment ainsi que les efforts étatiques annoncés en Écosse nous placeront sur une trajectoire croissante de +13,7% (par rapport à 2010) des émissions mondiales d’ici à 2030, bien loin de la réduction de 45% sans laquelle les objectifs de la COP21 ne pourront être atteints2. Un bilan donc plus que mitigé qui n’empêchera pas l’apparition de nouvelles catastrophes naturelles ; des tempêtes, sécheresses et canicules qui ne feront que s’intensifier, et dont les pays pauvres seront les premières victimes. 

Une aide financière aux pays pauvres qui tarde à arriver 

Ces pays en développement, les moins responsables du changement climatique, avaient demandé à ce qu’une aide financière annuelle d’atténuation de 100 milliards de dollars leur soit apportée par les pays du Nord. Cette promesse attendue pour 2020 ne sera finalement tenue qu’en 2023 dans le meilleur des cas. Un premier échec sur cette problématique des aides, alors qu’une réponse forte des pays riches était espérée lors de cette COP, entre autres sur le dossier des pertes et préjudices. Au delà des efforts d’adaptation déjà amorcés, ces nouvelles subventions devront aider les États à faire face aux intempéries et aux crises financières qui les accompagnent. Les délégations des nations qui subiront de plein fouet les conséquences du réchauffement planétaire ont donc requis la mise en place d’un mécanisme spécifique à même de calculer l’impact économique des futurs aléas. Même si les négociations se sont engagées lors de la conférence, aucun accord définitif n’a pour l’instant été trouvé, ralenti par les positions réticentes des États-Unis et de l’UE. Le pacte de Glasgow pour le climat mentionne qu’un « dialogue » doit toujours avoir lieu sur ces questions, sans cependant préciser la nature des subventions qui seront allouées. Une nouvelle frustration qui vient s’ajouter aux précédentes sur cet enjeu des aides financières aux pays vulnérables, alors que 2,5 milliards de personnes sont concernées directement par les effets du dérèglement climatique3

Le méthane, deuxième gaz responsable de l’effet de serre

Même si les émissions de gaz à effet de serre sont souvent réduites au seul dioxyde de carbone et calculées en équivalent CO2 (éqCO2), le rôle du méthane dans le réchauffement climatique d’origine anthropique ne saurait être sous-estimé. Le CH4 constitue en effet 32,3%4 des émissions mondiales de GES depuis la Révolution Industrielle. Plus fugace dans l’atmosphère que le gaz carbonique, le méthane a cependant un pouvoir réchauffant plus élevé. La réduction des émissions du deuxième gaz responsable du dérèglement du climat était donc l’une des mesures les plus attendues de la COP26. Et la réponse apportée par les parties a été, pour ce qui est des seules déclarations, plutôt satisfaisante. 105 États, dont l’ensemble de l’Union Européenne et les États-Unis, se sont ainsi engagés à réduire de 30% leurs émissions de méthane d’ici 2030 ; les signataires de l’accord représentant la moitié de la quantité totale de CH4 rejetée dans l’atmosphère. Bien que plusieurs gros émetteurs comme la Chine ou l’Inde manquent à l’appel, la mention de la nécessité d’une diminution des émissions de méthane dans le pacte final de Glasgow peut être vu comme une victoire, et un bon moyen d’exhorter les autres principaux pays responsables à se joindre au mouvement. Il s’agira maintenant pour les acteurs publics de prendre des mesures à la hauteur des promesses formulées, en agissant notamment sur les postes d’émission majeurs du méthane, secteurs dont fait partie l’agriculture (50% des rejets mondiaux de CH45).

L’agriculture, la grande absente de la COP26

C’est l’une des grandes oubliées de cette conférence des parties. Alors qu’elle représente à elle seule 18,4% (en incluant la foresterie et les autres affections des terres) des émissions mondiales de GES, soit le deuxième poste le plus important derrière la consommation énergétique (41,7% pour l’industrie et les bâtiments) et devant les transports (16,2%)6, l’agriculture était quasiment absente des débats de la COP26. Le secteur agricole est pourtant fortement impliqué dans la déforestation notamment en raison de l’élevage. 65% de la déforestation en Amazonie est ainsi dû au pâturage bovin et à la culture intensive de soja destinée à nourrir le bétail7. L’accord trouvé lors de la COP entre plus de 100 pays, dont la France, et visant à enrayer la déforestation ne pourra se révéler efficace qu’en s’attaquant directement aux causes premières du processus, et donc à l’élevage et au système agroalimentaire dans son ensemble. Bien que des efforts aient été annoncés via le programme « Action Commune de Koronivia pour l’Agriculture », les mesures prescrites (lutte contre l’artificialisation des sols, maintien de l’élevage et de l’agropastoralisme, possibilité d’accompagner les transitions) n’ont pas donné lieu à des objectifs chiffrés. Or il apparaît aujourd’hui essentiel de promouvoir un modèle agricole résilient et durable. Plusieurs moyens existent déjà pour aboutir à ce résultat, comme l’agroécologie qui permet de réduire les rejets de méthane et de protoxyde d’azote. Le secteur de la production alimentaire se trouve ainsi au carrefour de plusieurs enjeux : déforestation, préservation de la biodiversité, réduction des émissions de méthane, sécurité alimentaire. Son implication dans les futures politiques climatiques devra donc être fortement réévaluée, et les efforts la concernant clarifiés et intensifiés.

Un nouveau marché carbone entre les pays

Les acteurs du marché carbone ont quant à eux reçu une nouvelle encourageante pendant la COP. L’article 6 du manuel d’application de l’Accord de Paris qui prévoyait la mise en place d’un système d’échanges de quotas d’émission carbone directement entre les États ou entre un État et une entreprise a bien été adopté lors de cette COP26. Le problème de la double comptabilisation des émissions, qui permettait jusque là par exemple à une tonne éqCOd’être prise en compte à la fois par le vendeur et par l’acheteur, ou d’être vendue à deux acheteurs différents, a également été résolu. Cette clarification du marché carbone devrait entraîner un meilleur traçage des échanges effectués entre l’ensemble des acteurs financiers, qu’ils soient publics ou privés.

Le secteur privé, acteur essentiel de la réponse climatique

Le secteur privé qui a plus que jamais répondu présent lors de cette COP. 7000 participants issus pour la plupart de grandes entreprises se sont rendus à Glasgow pour faire entendre leurs voix et s’engager pour le climat. Comme l’a rappelé John Kerry, le représentant spécial des États-Unis : « Nous n’y arriverons pas sans faire intervenir le secteur privé dans les négociations. Les entreprises ont pris de l’avance sur les gouvernements en matière d’enjeu climatique ». Une avance qui s’est notamment concrétisée par l’annonce de plusieurs constructeurs automobiles de vouloir accélérer la transition vers 100% de voitures et camionnettes zéro émission, et ce dès 2035 sur les principaux marchés. 100 milliards de dollars provenant d’acteurs privés ont également été alloués à des projets liés à la transition énergétique. Des engagements forts qui montrent que les secteur privé s’empare lui aussi à son tour de la question climatique. Les entreprises possèdent en effet aujourd’hui une multitude de leviers puissants pour promouvoir une vision concrète et réaliste de la transition écologique. Des solutions qui passeront très certainement par l’utilisation de technologies innovantes mais aussi et surtout par la prise de conscience que l’effort est à faire en amont, à la racine du problème. Contribuer de façon pérenne et efficace à l’action climatique passera ainsi avant tout par la réévaluation de son propre impact sur la planète, en calculant ses émissions de gaz à effet de serre et en mettant en place des projets de contribution à la neutralité carbone. L’Agence Internationale de l’Énergie estime ainsi que les CSC (des technologies de capture et de séquestration du carbone déjà existantes) pourraient capter plus de 7 600 Mt de CO2 par an8 soit plus de 10% des réductions d’émissions nécessaires à l’objectif de neutralité carbone en 2050. Le déploiement de ces projets bas carbone dépend cependant en grande partie de l’implication financière du secteur privé. « Les gens qui viennent négocier (les gouvernements) n’ont pas le pouvoir de faire changer les choses, c’est nous qui décidons avec nos voix, ce que nous achetons et ce que nous sommes », rappelle Yann Arthus Bertrand. 

Cette COP26, malgré la faiblesse apparente du pacte final et son incapacité à répondre à différents enjeux essentiels comme l’aide aux pays pauvres ou la sortie définitive des énergies fossiles, aura donc a minima permis de rappeler le rôle crucial de la société civile, et donc du secteur privé, dans la lutte contre le dérèglement climatique. 

Sources :

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